Grève générale, voitures saccagées...Pourquoi ça chauffe à Mayotte

Depuis le 30 mars une grève générale paralyse ce département français.
Depuis le 30 mars une grève générale paralyse ce département français. © ORNELLA LAMBERTI / AFP
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Clémence Olivier , modifié à
Depuis quinze jours, une grève générale paralyse le département français d’outre-mer. Des violences urbaines ont également éclaté.

Que se passe-t-il à Mayotte? L’île est totalement bloquée. Depuis le 30 mars, une grève générale paralyse ce département français situé entre le continent africain et Madagascar. Des barrages ont été installés sur toute l’île bloquant ainsi les déplacements de habitants. Les enfants ne peuvent plus aller à l’école et les habitants se rendre à leur travail. L'activité économique tourne au ralenti. Beaucoup de Mahorais redoutent des pénuries dans les supermarchés. En marge de ces blocages, des violences ont éclaté : des voitures ont été saccagées, des habitations caillassées notamment dans la nuit de lundi à mardi. Selon des témoignages, des habitants auraient également été blessés.

Pourquoi cette grève ? Le conflit social oppose les autorités mahoraises et plusieurs syndicats. Ces derniers revendiquent "l'égalité réelle" entre la métropole et le département d'outre-mer. Ils souhaitent l'alignement des prestations sociales et l'application du Code du travail national, ainsi que des moyens de lutte contre l'insécurité et la construction d'écoles. "Les Mahorais se sentent Français, mais les inégalités sont importantes notamment sur le plan social", constate Laurent Canavate, directeur de la publication Mayotte Hebdo. "On est encore au 39 heures ici. Les allocations handicapées sont inexistantes, tout comme les allocations de rentrée scolaires." Quant au montant moyen des retraites, il se situe autour de 300 euros par mois. Aussi, les prix des denrées, pour la plupart importées, sont élevées et les loyers aussi chers qu’en métropole.

Dans quel contexte intervient-elle ? Mayotte, île de 215.000 habitants, est devenue le 101e département français en 2011. Dès lors, un programme pour rattraper les règles sociales en place sur le continent a été organisé par l’Etat. Mais les Mahorais jugent cette politique de rattrapage trop lente. La pauvreté est encore forte sur l’île. Pour exemple, en 2014 selon l’Insee, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans s’élevait à 55,8%. Un chiffre surement en deçà de la réalité. "Les Mahorais n’ont pas le réflexe de s’inscrire au chômage", remarque Amandine Debaere, journaliste pour Mayotte Hebdo. "La jeunesse n'a pas de perspectives d'emploi. Il n'y a pas d'aides et le niveau scolaire est très bas".

Par ailleurs, la délinquance est en hausse depuis plusieurs années. Près de 10.000 crimes et délits ont constatés en 2015 à Mayotte. "Quotidiennement, il y a des dizaines de cambriolages. On a tous des barreaux aux fenêtres, des chiens qui surveillent nos maisons", constate Amandine Debaere.  "La police n'a pas les moyens de lutter contre cette délinquance. Elle est débordée. Alors les gens font justice eux-mêmes."

L’île doit gérer une immigration massive venue des Comores voisines. "Il y a des barques de pêcheurs qui arrivent constamment", détaille la journaliste. "On estime que les migrants sans papiers représentent la moitié, voire les deux tiers des habitants de l'île."

Que font les autorités et le gouvernement ? Jusqu’à peu, peu de choses étaient faites pour régler la situation. La Préfecture a mis en place mardi soir un dispositif renforcé dans les quartiers de Mamoudzou, le chef-lieu du département, touchés par les violences. Le ministère de l'Intérieur a indiqué mercredi qu’il allait envoyer des renforts à Mayotte pour calmer la situation.

Y a-t-il eu des précédents ? Mayotte a déjà connu un mouvement de grève important fin 2015. En 2011 aussi, une grève avait paralysé le pays. "Une énorme pénurie avait alors eu lieu. Les habitants craignent aujourd'hui que cela se reproduise", note Amandine Debaere. "Ce week-end, quand les blocages ont été levés, ils se sont rués dans les supermarchés."