Ottawa : le mouvement des camionneurs canadiens fait tâche d’huile

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Vincent Hervouët , modifié à
Dans le centre d'Ottawa, entre 400 et 500 camions occupaient toujours mardi les rues pour s'opposer aux mesures sanitaires, une situation "hors de contrôle" pour la ville qui a déclenché ce week-end l'état d'urgence. Le Premier ministre Justin Trudeau, resté silencieux pendant plusieurs jours, a dénoncé ce mouvement et estimé qu'il fallait que "cela cesse". L'éditorialiste Vincent Hervouët nous livre son analyse de cette crise.
EDITO

Des manifestations de camionneurs canadiens qui bloquent depuis dix jours la capitale Ottawa, secouent le Canada. Le Premier ministre Justin Trudeau exige que cela cesse, en vain. L'éditorialiste Vincent Hervouët est revenu mercredi sur ce mouvement qui fait tâche d'huile.

Frontières fermées et fenêtres ouvertes

"C’est avec un drapeau canadien qu’ont manifesté mardi dans le monde anglosaxon les opposants aux mesures anti-Covid. C’est incongru mais après tout, c’est en chantant la Marseillaise que le printemps des peuples a enflammé l’Europe de 1848. Les révoltes ont besoin de symboles.

Les routiers sont sympas aux yeux des employés municipaux de New York qui refusent d’être licenciés s’ils ne sont pas vaccinés. Des Néo-Zélandais brandissent le drapeau canadien sur leur convoi de camping-cars qui bloque le quartier du Parlement à Wellington. Là-bas, la politique zéro Covid a mis tout le pays sous bulle sanitaire. Il n’y a eu que 53 morts pour 5 millions d’habitants. Les autres sont vaccinés à 95%. On leur dit qu’ils sont des survivants, mais ils n’en peuvent plus de vivre frontières fermées et fenêtres ouvertes.

La Première ministre Jacinda Adern qui incarne cette politique draconienne, le confinement généralisé et le contrôle social permanent, a peut-être du souci à se faire pour sa réélection. C’est aussi ce qui pend au nez de Justin Trudeau.

Le Premier ministre canadien est réapparu alors qu’il était reclus chez lui

Il avait gardé un silence de sioux, prudent. Il a quitté sa résidence à la campagne, sa cabane officielle pour venir ferrailler au Parlement. En fait, il a paru totalement débordé par l’embouteillage alentour, cette révolte à la manière des gilets jaunes, avec des furieux qui bivouaquent, qui bataillent en jouant du klaxon et que rien ne semble unir sinon la détestation de l’élite au pouvoir.

Le Premier ministre a protesté. "Faut que ça cesse !". Il a réagi devant l’état d’urgence comme un parent faible regardant sa progéniture mettre la maison à sac… Il a ajouté : "La pandémie a été nulle pour tous les Canadiens". Sous-entendu, moi compris. Merveille du narcissisme et de l’ingénuité politique.

Ce que visiblement Justin Trudeau a du mal à comprendre, c’est qu’il y a dans le mouvement canadien un rejet puissant de tout ce qu’il incarne. Avec lui au pouvoir, le Canada se veut un exemple pour le monde. Le meilleur pays pour les immigrants, le laboratoire de la diversité, le temple de la vertu. Penser le contraire est déjà s’abandonner à une forme d’intolérance. Evidemment, cette utopie est sévèrement protégée par un politiquement correct étouffant. Et le Covid a imposé un nouveau tour de vis aux libertés. Sans doute le tour de trop.

Justin Trudeau a remporté les élections en octobre en jouant à fond sur le Covid. Quand la contestation a commencé, lui si cool, le sourire aux lèvres et la compassion à la boutonnière, a réagi par le mépris. Il a assimilé les manifestants à l’extrême droite, aux complotistes, aux forces obscures. Les sondages lui donnent tort de cette condescendance : 32% soutiennent les routiers alors qu'ils ne sont que 10% de Canadiens à ne pas être vaccinés.

Aux Etats-Unis, les Trumpistes rêvent que le mouvement traverse la frontière…

Un camion nommé désir. Le Donald l’appelle à venir à Washington avec des camionneurs américains pour protester contre "la politique anti-Covid ridicule de Joe Biden". Les ténors du parti républicain encouragent le convoi de la liberté, le sénateur Ted Cruz applaudit les héros et les patriotes au volant.

Le Canada a désormais autre chose à offrir au monde que le sirop d’érable, les patins à glace et les sociologues de génie.