Kaing Guek Eav alias Douch 1:54
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avec AFP , modifié à
Chef du plus redoutable centre de détention sous le régime cambodgien des Khmers rouges, Kaing Guek Eav, alias Douch, est décédé mercredi à l'âge de 77 ans. Quelque deux millions de personnes sont mortes, souvent dans des conditions atroces, sous cette dictature maoïste qui a existé entre 1975 et 1979.

L'ancien tortionnaire "Douch", chef du plus redoutable centre de détention sous le régime cambodgien des Khmers rouges, condamné à la perpétuité, est décédé mercredi à l'âge de 77 ans. Kaing Guek Eav, alias Douch, "est mort à l'hôpital", a déclaré Neth Pheaktra, porte-parole du tribunal parrainé par l'ONU pour juger les principaux responsables khmers rouges. Le détenu présentait des symptômes de "détresse respiratoire aiguë", selon la lettre du médecin qui a confirmé le décès.

"Les âmes des victimes et de mes parents ont reçu justice"

Douch a dirigé Tuol Sleng (S21), la prison centrale de Phnom Penh, où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées par les Khmers rouges. Installée le 17 avril 1975, cette dictature maoïste est tombée le 7 janvier 1979 sous les chars du Vietnam socialiste, "frère ennemi". Entre-temps, quelque deux millions de personnes, soit environ un quart de la population, sont mortes d'épuisement, de famine, de maladie ou à la suite de tortures et d'exécutions. "Douch est décédé maintenant, les âmes des victimes et de mes parents ont reçu justice", a réagi Norng Chan Phal, 51 ans, rescapé de la prison S21.

Kaing Guek Eav a été le premier Khmer rouge condamné par le tribunal spécial mis en place en 2006 sous l'égide de l'ONU. En 2010, en première instance, une peine de 30 ans de prison a été prononcée à son encontre pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité". Deux ans plus tard, en appel, il s'est vu infliger la perpétuité.

Démasqué par un photographe irlandais

Après la chute du régime, Douch a continué d'appartenir au mouvement, puis a travaillé pour des organisations humanitaires. Caché pendant des années, il a été démasqué en 1999 par un photographe irlandais, Nic Dunlop, et arrêté. "Méticuleux, consciencieux, attentif à être bien considéré par ses supérieurs" selon les psychiatres, le tortionnaire avait tenu une administration rigoureuse des activités de la prison. "Je suis responsable émotionnellement et légalement", avait-il reconnu.

Converti au christianisme dans les années 1990, il a demandé pardon aux rares survivants et familles des victimes, acceptant d'être condamné à "la peine la plus stricte". Mais l'accusé a ensuite abandonné cette stratégie d'aveux et de coopération avec la justice et réclamé sa libération en se qualifiant de simple secrétaire du régime communiste.

"Indifférence à la souffrance"

L'accusation a décrit son "enthousiasme et sa méticulosité dans chacune de ses tâches", mais aussi sa "fierté" de diriger le centre de torture et "son indifférence à la souffrance" d'autrui. Au final, Kaing Guek Eav n'a eu "aucun regret", estime Youk Chang, chef du centre de documentation du Cambodge, un organisme de recherche qui a fourni de nombreuses preuves au tribunal. J'espère que sa mort "apportera un peu de réconfort aux vivants et que les morts pourront enfin reposer en paix".

Avec le décès de Douch, Khieu Samphan, chef de l'Etat et visage public du "Kampuchéa démocratique", nom officiel du Cambodge entre 1975 et 1979, reste le seul dirigeant khmer rouge condamné par le tribunal encore en vie. Âgé de 89 ans, il purge une peine à perpétuité.