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Gwladys Laffitte , modifié à
Depuis 2015, la Katiba des Narvalos, un groupe de citoyens anonymes et bénévoles, lutte contre les djihadistes en ligne. Leurs actions auraient permis de faire fermer des dizaines de milliers de comptes Twitter et d’aider les autorités à arrêter de potentiels terroristes. Ils sont aujourd’hui nommés pour le prix Nobel de la paix.

Si chaque année la liste des centaines de nominés au prix Nobel de la paix reste secrète, quelques noms de personnalités ou organisations retenues sont rendus publiques par certains qui ont fait la démarche de déposer eux-mêmes leur candidature. C’est le cas du député LREM des Cotes d’Armor, Éric Bothorel, qui a soumis la candidature de la Katiba des Narvalos au comité Nobel en novembre dernier. Et la candidature a été retenue donc par le comité pour faire partie des 343 nobélisables en 2022, comme révélé par Street Press.

Depuis les attentats qui ont frappé la France en 2015, ce groupe de cyber-activistes opère sur internet et notamment sur Twitter pour traquer les profils pro-djihadistes. La Katiba des Narvalos, qui signifie "le bataillon des fous", un nom parodique, traque sans relâche les djihadistes.

Signalements et cyber-infiltrations

Les membres sont des anonymes, des personnes de tous âges, toutes professions, comme le confirme Charlie Bismuth, pilier du collectif : "Depuis 2015, nous passons tout notre temps soit dans le virtuel de nos activités en ligne, soit dans le réel de nos vies respectives, en cloisonnant les deux, y compris pour nos proches", explique-t-il.

Celui qui se décrit comme un "cyber-guérillero" sur son compte Twitter est aujourd’hui "tenaillé entre l'envie de le crier sur les toits (pour partager la nouvelle de la nomination, ndlr) et la frustration de ne pouvoir l'évoquer même avec ses proches, y compris parents et enfants".

S’ils restent anonymes, c’est que la mission qu’ils se sont donnés est dangereuse : lutter contre les djihadistes en ligne, depuis sept ans. Ils traquent des comptes Twitter faisant l’apologie du terrorisme par exemple, ou encore s’infiltrent dans la djihadosphère pour récolter des informations sur différents profils.

Le collectif revendique avoir signalé des dizaines de milliers de comptes qui ont ensuite été fermés et assure avoir aidé les autorités à arrêter des potentiels djihadistes. Une action "utile" pour Eric Bothorel, qui a lui-même "vu la pertinence des informations qui étaient remontées dans quelques cas très précis", analyse-t-il.

"Ils participent, aux côtés des services, mais sans prendre la place des services, à l’identification d’un certain nombre d’individus", ajoute-t-il, avant de se féliciter de leur nomination au Nobel de la paix : "Leur nomination fait sens, car le renfort des citoyens n’est jamais de trop vu l’état de la menace" estime-t-il. Charlie Bismuth abonde : "C'est une forme de reconnaissance officielle d'une initiative citoyenne collective, bénévole et spontanée, dans un domaine où des civils ne sont pas censés s'aventurer".

"Résilience collective et lutte improvisée avec les moyens du bord"

Tout ce travail, souvent chronophage, bénévole, est considéré comme "un gain de temps" reconnait un enquêteur que nous avons contacté, puisque la veille de contenus pro-djihadistes étant très pointue. Alors pour Charlie Bismuth, cette nomination, dédiée à l’un des membres de la Katiba des Narvalos décédé brutalement à l’été 2020, est forcément importante : "J'avais conscience de l'aspect très symbolique de cette nomination pour le principe, mais le poids du symbole m'est tombé dessus, encore plus en ces temps de guerre", explique-t-il. "

Une grosse émotion qui est remontée d'un coup à la surface, avec sept années de lutte virtuelle, de violence, de haine, d'usure psychologique, mais aussi de joies, de fous rires et d’aléas de la vie qui se bousculaient", abonde-t-il.

Pour autant, Charlie Bismuth estime qu’il y a "des dizaines de personnalités et organisations beaucoup plus méritantes", en faisant notamment référence à la guerre en Ukraine : "Ça renvoie aussi aux notions de résilience collective, de ténacité dans l'adversité, de lutte improvisée avec les moyens du bord, de démystification de l'ennemi… Des notions que l'on retrouve à une toute autre échelle en ce moment en Ukraine. Il reste donc à souhaiter que le Nobel de la paix 2023 puisse être consacré à ce sujet", espère-t-il.