La bataille de Mossoul-Ouest sera "décisive quand l'armée entrera dans la vieille ville"

© DIMITAR DILKOFF / AFP
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M.Lo.
Entrées à l'ouest de Mossoul vendredi, les forces irakiennes entendent reprendre la partie occidentale de cette ville tombée entre les mains de Daech. Pour Karim Pazkad, chercheur spécialiste de l'Irak, cette bataille s'annonce difficile.

Les forces irakiennes ont annoncé vendredi être entrées dans l’ouest de Mossoul. Depuis quatre mois et le début de l’offensive dans cette ville du nord de l’Irak, c’est la première fois que l’armée régulière pénètre dans cette zone. Elle a pu reprendre différents quartiers, tombés entre les mains de Daech en 2014. Parmi ces prises, se trouvent l’aéroport désaffecté et une base située à proximité.

D’après Karim Pazkad, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales) et spécialiste de l’Irak, "c’est un moment décisif" qui se joue dans la partie occidentale de Mossoul mais qui s’annonce complexe pour l'armée.

Le sort de Mossoul "joué à l’Ouest". "C’est un moment décisif aujourd’hui, qui a déjà commencé en octobre, quand les forces irakiennes ont lancé la bataille de Mossoul à l’Est après une préparation minutieuse", explique le chercheur. Mais "on savait que le sort de la ville serait joué à l’Ouest, l’Est étant un quartier résidentiel, qu’on pourrait qualifier de pavillonnaire" et où "la bataille était plus facile pour l'armée régulière". La reprise de l’aéroport vendredi est en effet la suite d’une longue série d’avancées qui ont commencé en novembre 2016. Le 24 janvier dernier, les forces irakiennes annonçaient avoir "totalement libéré".

Epargner les civils, "par calcul politique". Car la présence de nombreux civils ne va pas faciliter la tâche de l’armée. "Entre 650.000 et 750.000 personnes y vivent et il y a des guérillas, pour l’emporter il faudrait que l’armée lance les chars et les avions mais la ville serait détruite et il y a un vrai souci d’épargner les victimes civiles", poursuit Karim Pazkad. Dimanche, l’ONU a en effet concédé faire face à "une course contre la montre" pour préparer l’accueil des déplacés de Mossoul-Ouest. Dans la partie occidentale de la ville, la situation est déjà tendue et les organisations humanitaires craignent un risque de famine.

D’après Karim Pazkad, si l’armée veut à tout prix épargner les civils "ce n’est pas tant par humanisme mais plus par calcul politique". "Mossoul est la capitale des arabes sunnites" détaille-t-il. "Pour éviter une reprise des tensions entre les communautés irakiennes et pour donner des gages à la communauté internationale", l’armée va se montrer prudente, selon le chercheur.

La bataille décisive dans la vieille ville. A l’Ouest, la bataille sera donc "plus difficile".  Et si "pour l’instant, l’armée a pris pied à Mossoul Ouest, elle aura besoin de trois à quatre mois pour libérer entièrement la zone", poursuit le chercheur.

"La guerre sera longue, quand l’armée commencera à entrer dans la vieille ville ce sera un moment capital", selon lui car "Daech n’aura pas d’autre choix que de se disperser". Pourtant, les quelque 2.000 djihadistes installés à Mossoul-Ouest selon les estimations du renseignement américain, pourraient se livrer à des attentats suicides.

Pour Karim Pazkad, la perte de Mossoul serait "un tournant décisif avec la fin de Daech sur le plan militaire" car dans le même temps "la bataille de Raqqa (en Syrie, ndlr) a été lancée". "On en parle moins car les progrès ne sont pas aussi rapides", poursuit le chercheur. Dans l'objectif d'une libération totale de Mossoul et de Raqqa, "ce sera la fin de l'existence de ce que Daech appelle son califat".