Israël-Hamas : l'Afrique du Sud accuse l'État hébreu de «génocide», Benjamin Netanyahu répond

© REMKO DE WAAL / ANP MAG / ANP via AFP
  • Copié
avec AFP / Crédits photo : REMKO DE WAAL / ANP MAG / ANP via AFP , modifié à
Dans une affaire judiciaire historique, l'Afrique du Sud a accusé jeudi Israël de violer la Convention des Nations unies sur le génocide dans le cadre du conflit l'opposant au Hamas. Pretoria a saisi en urgence la plus haute juridiction de l'ONU pour qu'elle enjoigne à l'État hébreu de "suspendre immédiatement ses opérations militaires".

L'Afrique du Sud a, dans une affaire judiciaire historique, accusé jeudi Israël de violer la Convention des Nations unies sur le génocide, affirmant que même l'attaque du Hamas du 7 octobre ne pouvait justifier les événements à Gaza. Pretoria a saisi en urgence la plus haute juridiction de l'ONU pour qu'elle enjoigne à Israël de "suspendre immédiatement ses opérations militaires" dans la bande de Gaza.

C'est Israël qui "combat le génocide", répond Netanyahu

Israël "est accusé de génocide au moment où il combat le génocide", s'est offusqué jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dont le pays est accusé par l'Afrique du Sud de s'en être rendu coupable dans sa guerre contre le Hamas palestinien à Gaza.

"Une organisation terroriste a commis le pire crime contre le peuple juif depuis l'Holocauste et voici que quelqu'un vient la défendre au nom de l'Holocauste. Quel culot !", a réagi dans un communiqué Benjamin Netanyahu. La Cour internationale de justice (CIJ) a tenu jeudi à La Haye sa première audience, saisie par l'Afrique du Sud qui accuse Israël de violer la Convention des Nations unies sur le génocide.

Israël, qui s'exprimera vendredi devant les magistrats de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui siège à La Haye, a qualifié l'affaire d'"absurde" et "atroce" et a accusé jeudi Pretoria de se comporter comme "le bras juridique de l'organisation terroriste Hamas". "L'Afrique du Sud cherche à permettre au Hamas de commettre de nouveau les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les crimes sexuels qu'ils ont perpétrés de façon répétée le 7 octobre", selon un communiqué du ministère israélien des Affaires étrangères.

"Aucune attaque armée (...) ne peut justifier une violation de la Convention"

La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par une attaque inédite le 7 octobre 2023 du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien qui a fait environ 1.140 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir du bilan israélien. En représailles, Israël a juré d'"anéantir" le Hamas au pouvoir à Gaza et lancé une offensive dans ce territoire palestinien qui a fait au moins 23.469 morts, en majorité des femmes, des adolescents et des enfants, selon le dernier bilan du Hamas.

 

"Aucune attaque armée sur le territoire d'un Etat, aussi grave soit-elle (...) ne peut justifier une violation de la Convention", a affirmé le ministre sud-africain de la Justice, Ronald Lamola, devant la CIJ. "La réponse d'Israël à l'attaque du 7 octobre a franchi cette ligne et a donné lieu à des violations de la Convention", a soutenu Ronald Lamola. "Nous ne présentons aucune affaire au nom du Hamas, cette déclaration est sans fondement, nous le faisons au nom des Palestiniens, des enfants, des femmes et des personnes âgées qui sont tués à Gaza", a-t-il ajouté devant les journalistes à l'issue de l'audience.

L'Afrique du Sud dénonce une "destruction de la vie des Palestiniens"

Selon Pretoria, Israël rompt ses engagements pris en vertu de la Convention des Nations unies sur le génocide, signée en 1948 à la suite de l'Holocauste. La campagne de bombardements menée par Israël vise à "la destruction de la vie des Palestiniens" et pousse les Palestiniens "au bord de la famine", a affirmé Adila Hassim, avocate de l'Afrique du Sud.

"Les génocides ne sont jamais déclarés à l'avance, mais cette cour bénéficie des 13 dernières semaines de preuves qui montrent de manière incontestable un modèle de comportement et d'intention qui justifie une allégation plausible d'actes génocidaires", a-t-elle déclaré devant les juges. En tant que co-signataire de la convention, Pretoria peut poursuivre Israël devant la CIJ qui statue sur les différends entre Etats.

Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, soutient depuis longtemps la cause palestinienne. L'ancien président sud-africain et héros de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela avait ainsi affirmé que la liberté de l'Afrique du Sud serait "incomplète" sans celle des Palestiniens. Pretoria a aussi indiqué être "pleinement consciente" du "poids particulier de la responsabilité" que représente le fait d'accuser Israël de violer la Convention sur le génocide et a condamné "sans équivoque" l'attaque du Hamas.

Il n'y a "rien de plus atroce et absurde" que ces accusations, se défend Israël

Le président israélien a déclaré qu'il n'y avait "rien de plus atroce et absurde" que les accusations de Pretoria. "Nous serons devant la Cour internationale de Justice et nous présenterons fièrement notre cas de légitime défense (...) en vertu du droit international humanitaire", a ajouté Isaac Herzog. Selon lui, l'armée israélienne "fait tout son possible, dans des circonstances extrêmement compliquées sur le terrain, pour s'assurer qu'il n'y aura pas de conséquences imprévues ni de victimes civiles".

Washington soutient son allié Israël et estime que les accusations formulées par Pretoria sont "sans fondement". "En fait, ce sont ceux qui attaquent violemment Israël qui continuent d'appeler ouvertement à l'anéantissement d'Israël et au massacre des Juifs", a déclaré le porte-parole du Département d'État, Matthew Miller.

La CIJ peut se prononcer dans quelques semaines

S'agissant d'une procédure d'urgence, la CIJ pourrait se prononcer dans quelques semaines. Ses décisions sont sans appel et juridiquement contraignantes, mais elle n'a aucun pouvoir pour les faire appliquer. Elle a par exemple ordonné à la Russie de suspendre son invasion de l'Ukraine. Une décision de justice contre Israël augmenterait cependant la pression politique sur le pays, et pourrait éventuellement servir de prétexte à des sanctions. La résolution complète de l'affaire devant la CIJ peut prendre des années.

A La Haye, la police séparait des manifestants pro-israéliens et pro-palestiniens, munis de pancartes disant : "Mettez fin à l'apartheid israélien". Les dirigeants israéliens "ont explicitement exprimé leur mépris pour la vie des civils palestiniens", a déclaré Zohar Janovitch, 40 ans. "C'est une honte qu'Israël, qui fait tout ce qu'il faut et qui est attaqué par le Hamas, soit maintenant confronté à un procès", a répliqué Ada Deyl, retraitée de 80 ans.