Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 122e jour de l'invasion russe

Kiev ne cesse de réclamer davantage d'armes lourdes à ses alliés pour contrer la puissance de frappe russe (Illustration)
Kiev ne cesse de réclamer davantage d'armes lourdes à ses alliés pour contrer la puissance de frappe russe (Illustration) © AFP
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avec AFP , modifié à
Des missiles ont été tirés depuis la Biélorussie, allié diplomatique de Moscou, en direction de la région frontalière de Tcherniguiv en Ukraine, au nord-est de Kiev, a affirmé samedi l'armée ukrainienne. Dans le Donbass, la guerre continue et Kiev ne cesse de réclamer davantage d'armes lourdes à ses alliés pour contrer la puissance de frappe russe.
L'ESSENTIEL

La Russie va livrer "dans les prochains mois" en Biélorussie des missiles capables de transporter des charges nucléaires, a annoncé samedi Vladimir Poutine en recevant le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko, en pleines tensions entre leurs pays et l'Occident autour de l'Ukraine.

"Dans les prochains mois, nous allons transférer aux Biélorusses des systèmes de missile tactique Iskander-M, qui peuvent utiliser des missiles balistiques ou de croisière, dans leurs versions conventionnelle et nucléaire", a déclaré Vladimir Poutine au début de son entretien avec Alexandre Loukachenko à Saint-Pétersbourg retransmis par la télévision russe.

Poutine et Loukachenko veulent rendre l'aviation capable de transporter des armes nucléaires

Le président russe Vladimir Poutine a proposé samedi au dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko de l'aider à moderniser ses avions de guerre pour les rendre capables de transporter des armes nucléaires, en pleines tensions avec l'Occident autour de l'Ukraine.

"De nombreux (avions) Su-25 sont en service dans l'armée bélarusse. Ils pourraient être améliorés d'une façon appropriée. Cette modernisation doit être menée dans des usines d'avions en Russie et l'entraînement du personnel débuter en accord avec cela", a déclaré Vladimir Poutine, après que M. Loukachenko lui eut demandé d'"adapter" ses avions capables de transporter des armes nucléaires, lors d'un entretien retransmis à la télévision.

Des tirs depuis la Biélorussie

Des missiles ont été tirés depuis le Bélarus, allié diplomatique de Moscou, en direction de la région frontalière de Tcherniguiv en Ukraine, au nord-est de Kiev, a affirmé samedi l'armée ukrainienne. "Vers 05H00 heures du matin (02H00 GMT), la région de Tcherniguiv a subi un bombardement massif de missiles. Vingt roquettes ont visé le village de Desna, tirés depuis le territoire du Bélarus (et aussi) depuis les airs", a indiqué sur Facebook le commandement Nord des troupes ukrainiennes, précisant qu'"il n'y avait pas de victimes" à ce stade. "Une infrastructure a été touchée", a précisé l'armée ukrainienne, sans indiquer si elle était militaire ou non. Desna, petit village de 7.500 habitants avant la guerre, se situe à 70 km au nord de Kiev et à la même distance au sud de la frontière avec le Bélarus.

Severodonetsk est "entièrement occupée" par l'armée russe

La ville de Severodonetsk dans le Donbass (est), théâtre de combats féroces entre les armées ukrainienne et russe depuis plusieurs semaines, est "entièrement occupée" par l'armée russe, a annoncé samedi son maire Oleksandre Striouk. "La ville est entièrement occupée par les Russes", a-t-il déclaré à la télévision ukrainienne en fin d'après-midi. L'armée ukrainienne avait annoncé vendredi son retrait de cette localité d'environ 100.000 habitants avant la guerre pour mieux défendre la ville voisine de Lyssytchansk.

Les Russes vont-ils continuer l'opposition ?

Pour le général Jérôme Péllistrandi, spécialiste des relations internationales : " Sievierodonetsk avait un côté symbolique, il était inutile pour les Ukrainiens de continuer à perdre des soldats pour une bataille qui aurait été de toute façon perdue. La conquête de Sievierodonetsk peut permettre à Vladimir Poutine de dire qu'il a pu libérer la région de Lougansk. C'est une victoire qui leur a couté extrêmement cher. Il leur a fallu aux soldats plus d'un mois pour conquérir 5 km d'une agglomération industrielle. La question : Est-ce que les soldats russes sont en mesure de continuer l'opposition ou bien ont-ils besoin d'une pause tactique ?

Les forces russes et prorusses entrent dans Lyssytchansk

Les forces russes et prorusses sont entrées samedi dans Lyssytchansk et des "combats de rue" ont désormais lieu dans cette ville voisine de Sieverodonetsk, verrou stratégique dans l'est de l'Ukraine en passe d'être pris par Moscou, ont affirmé les séparatistes. "La milice populaire de la République populaire de Lougansk et l'armée russe sont entrées dans la ville de Lyssytchansk", a déclaré sur Telegram un représentant des séparatistes prorusses, le lieutenant-colonel Andreï Marotchko.

Le rôle de la Biélorussie

Cette frappe intervient alors que le président russe Vladimir Poutine et son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko doivent se rencontrer samedi à Saint-Pétersbourg, en Russie, avant une visite au Biélorussie, prévue jeudi et vendredi, du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

Quoique non bélligérant dans le conflit avec l'Ukraine à ce stade, la Biélorussie a servi de soutien logistique aux troupes de Moscou, notamment dans les premières semaines de l'offensive russe. Le pays, dirigé par Loukachenko depuis 1994, est depuis largement visé par les sanctions occidentales prises aussi contre la Russie.

"La parité de feu"

L'Ukraine presse ses alliés de lui donner enfin la "parité de feu" avec les forces russes pour "stabiliser" la situation dans le Donbass après le retrait de ses troupes à Sieverodonetsk, verrou stratégique de cette région, pilonné depuis des semaines par l'artillerie russe.

"J'ai souligné la nécessité d'atteindre la parité de feu avec l'ennemi, ce qui nous permettra de stabiliser la situation dans la région la plus menacée de Lougansk", a déclaré le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeriy Zaluzhnyi, en rendant compte sur sa page Facebook d'un entretien téléphonique avec son homologue américain, le général Mark Milley.

L'Ukraine ne cesse de réclamer davantage d'armes lourdes à ses alliés pour contrer la puissance de frappe russe, particulièrement dans le Donbass, région industrielle dans l'est du pays, déjà partiellement sous contrôle de séparatistes pro-russes depuis 2014, et que Moscou s'est juré de conquérir totalement.

"Guerre lente"

Mais pour autant, "la vision globale - une guerre lente de positions retranchées - n'a guère changé", assure à l'AFP Ivan Klyszcz, chercheur à l'université estonienne de Tartu. "Le retrait était probablement prévu auparavant et peut être considéré comme tactique", affirme-t-il, soulignant que la résistance ukrainienne a permis à Kiev de consolider ses arrières.

Les forces ukrainiennes "sont en train d'opérer un retrait professionnel et tactique afin de consolider des positions qu'elles seront mieux à même de défendre", a également jugé une responsable américain au Pentagone, sous couvert d'anonymat.

Kiev s'attend en effet désormais à de nouvelles offensives sur la ville de Lyssytchansk, voisine de Sieverodonetsk, quasiment encerclée par les forces russes, qui grignotent chaque jour un peu plus de territoire alentour. Mykolaïvka, ville située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Lyssytchansk, est aux mains de l'armée russe, a indiqué Serguiï Gaïdaï ajoutant que les Russes tentaient désormais de "conquérir Guirské", une commune voisine.

"Été chaud"

Jeudi, Kiev a annoncé l'arrivée des quatre premiers lance-roquettes américains Himars, des armes puissantes très attendues sur le terrain. "L'été sera chaud pour les occupants russes", a d'ores et déjà prédit le gouvernement ukrainien.

L'armée américaine avait toutefois prévenu, en annonçant début juin l'envoi de ces armes lourdes, qu'elle souhaitait d'abord que les soldats ukrainiens maîtrisent bien cette artillerie de précision avant de leur en envoyer davantage. Les experts militaires soulignent que la portée des Himars est légèrement supérieure à celle des systèmes analogues russes, ce qui permettrait aux forces ukrainiennes de frapper l'artillerie adverse en restant hors d'atteinte.

Ces dernières semaines, les forces ukrainiennes sont repassées à l'offensive dans le sud pour tenter de reprendre des territoires perdus depuis l'invasion du 24 février. Et les attaques visant des responsables de l'occupation, dont plusieurs ont été blessés, se sont multipliées en parallèle dans la région de Kherson et celle voisine de Zaporijjia.

Kharkiv toujours bombardée

La Russie a par ailleurs intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est, où des explosions ont été entendues dans la nuit de vendredi à samedi. Jeudi à Bruxelles, les 27 pays de l'Union européenne avaient entériné la candidature de l'Ukraine, une étape hautement symbolique après quatre mois d'invasion russe.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'en est à nouveau réjoui vendredi. "Réjouissons-nous au moins un peu. De façon modeste et tranquille, silencieusement, mais réjouissons-nous", a-t-il dit dans son message vidéo quotidien en soirée.

Sur le front diplomatique, l'Allemagne a accusé vendredi la Russie de prendre "le monde entier en otage" en utilisant la faim "comme arme de guerre", à l'occasion d'une conférence à Berlin visant à trouver des "solutions" à la crise alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine.

Et à partir de dimanche, en Allemagne, le G7 se retrouve en sommet pour discuter, entre autres, du soutien à l'Ukraine, avant un autre sommet, celui de l'Otan, pendant deux jours à partir de mardi à Madrid.