Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 346e jour de l'invasion russe

Bakhmout
La situation "se complique" dans la ville de Bakhmout, a affirmé Volodymyr Zelensky. © YASUYOSHI CHIBA / AFP
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avec AFP , modifié à
Au 346e jour de la guerre en Ukraine, des "combats acharnés" se sont déroulés dans les quartiers nord de Bakhmout, point chaud du front dans l'est de l'Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky a reconnu une situation qui "se complique" face aux troupes de Moscou. 
L'ESSENTIEL

Des "combats acharnés" se déroulaient dimanche dans les quartiers nord de Bakhmout, point chaud du front dans l'est de l'Ukraine où le président Volodymyr Zelensky a reconnu une situation qui "se complique" face aux troupes de Moscou. L'armée russe, épaulée par les mercenaires du groupe Wagner, tente depuis l'été de s'emparer de cette ville de l'est de l'Ukraine en grande partie détruite et transformée en forteresse où les deux camps sont confrontés à de lourdes pertes.

Les informations principales :

  • Des "combats acharnés" ont eu lieu dans les quartiers nord de Bakhmout ce dimanche, dans l'est de l'Ukraine
  • Volodymyr Zelensky a reconnu une situation qui "se complique" face aux troupes russes
  • Au moins quatre civils ont été tués et onze autres blessés ces dernières 24 heures
  • Cinq personnes ont été blessées dimanche à Kharkiv
  • Les armes à longue portée promises à l'Ukraine ne serviront pas à viser le territoire russe, assure le ministre ukrainien de la Défense
  • Le ministre ukrainien de la Défense promet des "audits" après un scandale de corruption

Moscou a obtenu de petits gains territoriaux ces dernières semaines dans la zone dans l'espoir de faire sauter le verrou ukrainien sur Bakhmout, capturant notamment la ville de Soledar au nord et plus récemment le village de Blagodatné. "Des combats acharnés ont lieu dans les quartiers nord (de Bakhmout) pour chaque rue, chaque maison, chaque cage d'escalier", a indiqué dimanche le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, dont les hommes sont en première ligne sur place. "Les forces armées ukrainiennes ne battent pas en retraite. Elles se battent jusqu'au dernier homme", a-t-il déclaré, cité par son service de presse sur Telegram.

L'état-major ukrainien a lui confirmé sans détailler des combats et bombardements qui se poursuivent dans plusieurs points de l'est du pays où au moins quatre civils ont été tués et onze blessés ces dernières 24 heures selon les autorités régionales. Cinq personnes ont également été blessées dimanche dans deux frappes russes sur le centre de Kharkiv, la deuxième ville du pays, qui ont touché des immeubles résidentiels et un établissement d'enseignement supérieur, selon le chef de l'administration militaire régionale de Kharkiv, Oleg Synegubov.

"La vie est courte"

À Bakhmout, des journalistes de l'AFP ont assisté dimanche à une liturgie organisée dans le sous-sol de l'église au bulbe doré de la Toussaint en présence d'une vingtaine de personnes, dont deux soldats ukrainiens. Trois femmes ont chanté des hymnes ponctués par le bruit des obus de mortier. La pièce n'était éclairée que par une vingtaine de bougies et une lampe portative utilisée par les deux prêtres pour lire la Bible. "Aujourd'hui, j'ai prié pour que tout aille mieux pour moi après ma mort", a expliqué à l'extérieur de l'église Serafim Tchernychov, 20 ans, alors que des échanges de tirs d'armes à feu et le martèlement des obus vers et depuis les positions russes résonnaient en permanence.

"La nuit dernière, un missile a volé dans mon jardin et une balle a volé à l'intérieur de ma maison, elle aurait pu me toucher. Donc nous devons comprendre que la vie est courte, je peux mourir maintenant ou dans 30 ans", poursuit-il. "Si je suis tué, ce sera la volonté de Dieu", ajoute-t-il, résigné. Lioubov Avramenko, 84 ans, a dit de son côté avoir prié "pour la liberté". "Nous sommes assis dans un sous-sol sans eau, ni gaz, ni électricité", raconte-t-elle. "J'ai prié pour mon pays, pour l'Ukraine, pour ma famille. Je suis sûre que tout cela sera bientôt terminé", veut croire Svetlana Boïko, 51 ans.

"Briser la défense" ukrainienne

Samedi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait reconnu que la situation se "compliquait" sur le front et notamment à Bakhmout qu'il avait plus tôt juré de ne pas abandonner et de défendre "aussi longtemps que possible". Il a également cité Vougledar où les troupes russes sont à l'offensive et Lyman, ville reprise aux Russes lors d'une contre-offensive ukrainienne en 2022. "L'occupant mobilise de plus en plus ses forces pour briser notre défense", a-t-il ajouté. Kiev, qui redoute une nouvelle attaque russe d'envergure, attend impatiemment la livraison d'armes promises par les Occidentaux et notamment des chars lourds et des roquettes de plus longue portée.

Samedi, le Canada a expédié le premier des chars Leopard 2 qu'il s'est engagé à fournir à l'Ukraine. Une série d'autres pays occidentaux ont promis de nouvelles armes à l'Ukraine, dont les Etats-Unis, la France, mais aussi l'Allemagne après quelques hésitations quant à la livraison de ses chars Leopard. Les livraisons d'armes occidentales sont cruciales pour Kiev et ont provoqué l'ire de Moscou qui a brandit la menace d'une escalade du conflit débuté en février 2022. Un embargo européen sur les produits pétroliers exportés par voie maritime doit par ailleurs entrer en vigueur dimanche, une mesure "négative" qui va "déséquilibrer davantage" les marchés, selon le Kremlin.

Les armes à longue portée ne serviront pas à viser le territoire russe

Les armes à longue portée dont la livraison a été promise à l'Ukraine par les Occidentaux ne serviront pas à viser le territoire russe mais seulement les zones occupées, a affirmé dimanche le ministre ukrainien de la Défense. "Nous déclarons toujours à nos partenaires que nous nous obligeons à ne pas utiliser les armes (fournies par les) partenaires étrangers contre le territoire de la Russie, mais uniquement sur leurs unités dans les territoires temporairement occupés en Ukraine", a déclaré Oleksiï Reznikov lors d'une conférence de presse à Kiev.

Les États-Unis ont notamment promis de livrer à Kiev des roquettes qui pourraient quasiment doubler la portée des tirs ukrainiens et viser en profondeur les lignes d'approvisionnement russes. Les Occidentaux craignent toutefois que Kiev ne s'en serve pour mener des attaques sur le territoire russe, menant à une dangereuse escalade du conflit. Selon M. Reznikov, les Russes ont "déplacé leurs quartiers généraux, leurs postes de commandement, leurs entrepôts de munitions et de carburant à 100 kilomètres (de la ligne de front) pour que nous ne puissions pas les atteindre".

"Cela rend la situation difficile pour eux d'un point de vue logistique, mais leur permet tout de même de se préparer à avancer", a poursuivi M. Reznikov, qui a une nouvelle fois dit s'attendre à une offensive russe d'envergure en février. "Toutes les armes occidentales n'auront pas le temps d'arriver avant cela", mais "nous avons les ressources et réserves" pour résister, a-t-il poursuivi. Les troupes russes ont légèrement progressé ces dernières semaines dans l'Est, où se déroule l'essentiel des combats, accentuant la pression notamment sur la ville de Bakhmout, épicentre du conflit. Interrogé sur un éventuel retrait de Bakhmout dimanche, M. Reznikov a assuré que la ville était toujours "une forteresse, un symbole", mais que la décision revenait au final à l'état-major ukrainien.

Des "audits" après un scandale de corruption

Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, a promis dimanche des "audits" internes au sein de son ministère, à la suite d'un scandale de corruption lié à l'approvisionnement de l'armée, en pleine invasion russe. Il a reconnu au cours d'une conférence de presse que les services de lutte contre la corruption de son ministère avaient "failli dans leur tâche" et qu'ils devaient être "entièrement restructurés". Selon lui, un "audit interne de tous les marchés publics" a été déclenché et il y aura aussi "un audit de l'assistance technique internationale", à un moment où Kiev reçoit de plus en plus d'armements occidentaux.

Oleksii Reznikov est toutefois resté évasif sur l'éventualité de sa propre démission, alors que plusieurs médias ukrainiens ont évoqué cette possibilité. Il a affirmé que la décision revenait au président Volodymyr Zelensky. L'Ukraine avait été secouée fin janvier par une série de démissions et de limogeages sur fond de scandale de corruption révélé par la presse qui portait sur un contrat signé par le ministère de la Défense d'un montant présumé surévalué et concernant les produits alimentaires destinés aux soldats. Plusieurs hauts responsables de ce ministère ont été démis de leurs fonctions, tandis que Oleksii Reznikov avait dans un premier temps dénoncé des accusations "infondées".

Il s'agissait de la première affaire de corruption d'envergure à éclater depuis le début de l'offensive russe, dans un pays habitué à ce genre d'affaires avant la guerre. Les autorités ukrainiennes avaient ensuite déclenché une vague de perquisitions à l'encontre d'administrations, de fonctionnaires et de personnalités publiques pour montrer leur volonté de faire de la lutte contre la corruption une priorité dans le contexte de l'effort de guerre et de l'aide occidentale.

La "réticence" des Occidentaux

Le ministre ukrainien de la Défense a critiqué dimanche la "réticence" des Occidentaux à livrer des avions de combat à son pays, de peur d'une escalade du conflit avec la Russie, une incertitude qui va selon lui "coûter plus de vies". Evoquant des "atermoiements ou des réticences" pour la livraison de ces armements à l'Ukraine, Oleksiï Reznikov a assuré, lors d'une conférence de presse, que Kiev l'emporterait de toute façon mais que "cela nous coûtera plus de vies".