Les images satellites permettent d'observer au mieux les ennemis, notamment lors de la guerre en Ukraine, comme ici à Marioupol. (Illustration) 1:29
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William Molinié , modifié à
Le discret service de renseignement des armées françaises a accepté d’ouvrir ses portes à Europe 1. Tout au long de la semaine, nous vous emmenons sur la base aérienne 110 de Senlis-Creil dans l’Oise, au QG des centres experts de la Direction du renseignement militaire (DRM), où l'on surveille les guerres depuis... l'espace. 

Ce sont les yeux du renseignement militaire. Les analystes image épluchent chaque mètre carré de la planète, à la recherche du moindre mouvement suspect de char, d’avion de chasse ou de navire militaire. Grâce aux satellites qui tournent en permanence au-dessus de nos têtes, sur des orbites situées entre 400 et 800km d’altitude, la France a rejoint le club très fermé des nations expertes de l’observation de la Terre depuis l’espace.

Dans le centre expert imagerie de la direction du renseignement militaire, un logiciel d’intelligence artificielle vient d’alerter le sergent Théo, 23 ans. Une photographie prise depuis l’espace d’une base militaire étrangère. Impossible, pour des raisons de sécurité de dévoiler l’endroit précis ni ce qu’il s’y trouve.

Savoir détecter un leurre

"C’est un leurre ?", lui demande le chef de salle. Le sergent Théo zoome et se promène dans l’image. "Non, c’est un chasseur, c’est en mouvement. Et il a l’air de rentrer au hangar en ce moment, il y a plusieurs camions qui trainent autour", rapporte-t-il au micro Europe 1. Le cliché intrigue. "Sur cette base, c’est la première fois qu’on voit ces avions. Ce n’est pas du tout anodin. C’est comme un scoop. Ça va intéresser évidemment les hautes autorités militaires voire politiques", souligne le sergent Théo.

Mais avant de faire remonter l’information à sa hiérarchie, le jeune analyste utilise son expérience pour livrer un renseignement en béton armé. "Autour de l’avion, on peut observer qu’il y a des camions pour la maintenance, le carburant. Parfois ils peuvent installer des missiles sous les ailes. Donc ça on le verra, ce sera situé de part et d’autre de l’avion. Ça pourra nous permettre de dire qu’il s’agit d’un vrai aéronef et non pas d’un leurre", explique-t-il.

15.000 clichés chaque mois

C’est un des défis les plus importants du renseignement militaire : comment faire face au "mur de la donnée" ? Chaque mois, 15.000 clichés, soit 500 par jour, sont analysés et traités par les équipes du capitaine de vaisseau Olivier, responsable du centre expert imagerie. "L’intelligence artificielle nous permet d’aller chercher des choses qu’on ne pensait même pas chercher. Mais le regard humain reste essentiel dans notre travail", explique-t-il.

La guerre en Ukraine a eu comme conséquence d’orienter une grande partie des capteurs vers l’Europe de l’Est. Cet effet loupe, qui risquerait de faire perdre de vue d’autres théâtres majeurs d’affrontements futurs, est un enjeu majeur pour la DRM. Et les armées en général, appelées de plus en plus à faire le grand écart entre le temps court, celui de l’urgence opérationnelle, le temps moyen, celui de l’aide à la décision pour les autorités politiques et militaires, et le temps long, celui de l’anticipation.