Sur la base aérienne 110 de Senlis-Creil dans l’Oise, des militaires écoutent des signaux interceptés du monde entier. 1:22
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William Molinié , modifié à
Le discret service de renseignement des armées françaises a accepté d’ouvrir ses portes à Europe 1. Tout au long de la semaine, nous vous emmenons sur la base aérienne 110 de Senlis-Creil dans l’Oise, au QG des centres experts de la Direction du renseignement militaire (DRM).

Il faut descendre sous terre pour accéder au centre expert en ondes électromagnétiques de la Direction du renseignement militaire (DRM). C’est l’inconfort de l’absence de la lumière du jour, mais l’immense avantage de pouvoir écouter en toute discrétion… Sur l’ordinateur du premier-maître Sarah, un signal a été intercepté quelque part dans le monde. Le profane n’y entendra qu’une succession insignifiante de sons aigus mêlés à un souffle ronronnant.

"De prime abord, on n’y comprend rien. Tout le travail va être d’analyser le signal. Comme un oignon, on en retire les couches pour accéder ensuite au cœur de l’interception", explique au micro Europe 1 l’opératrice-écoute, depuis six ans à la DRM.

Documenter des exactions et les attribuer

Après un nettoyage poussé, aidé par toute une panoplie de logiciels, l’énigmatique son brut révèle deux voix, cette fois-ci bien humaines. Cette discussion par radio pourrait être celle de deux militaires sur le front ukrainien. Il faudra ensuite la traduire pour en donner tout son sens. Selon les informations d'Europe 1, c’est grâce à ce type d’interception que certaines exactions, que ce soit en Ukraine ou dans le Sahel, ont pu être documentées puis attribuées.

Certains messages sont cryptés et renferment de précieux renseignements, donnant à voir une photographie en temps réel du champ de bataille. "Le signal électromagnétique nous permet d’avoir une projection assez précise des forces en présence", détaille le sergent Maxime, spécialiste du signal. "On peut ainsi déterminer les types de systèmes d’armes utilisés et donc ensuite les rattacher à certaines nations".

Certains messages ne seront jamais déchiffrés

Lors des pics d’activité, comme ça peut être le cas lors des campagnes de bombardements russes sur les villes ukrainiennes, ces militaires sont amenés à exploiter jusqu’à plusieurs milliers de signaux chaque jour. Le temps de déchiffrage peut prendre de quelques heures à plusieurs semaines voire plusieurs mois. Certains ne le seront jamais.

Quelques semaines après leur invasion en Ukraine, les Russes se sont aperçus que les liaisons radio entre leurs troupes et leurs états-majors pouvaient être compromises. Et sont donc revenus à la vieille technique de la bobine de fil. Avec une limite bien vite atteinte : l’impossibilité de couvrir l’immensité des plaines de l’Est.