poubelle, recyclage, déchets crédit : BRENDAN SMIALOWSKI / AFP - 1280 4:08
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Xavier Yvon, édité par Marthe Ronteix , modifié à
De nombreuses villes américaines croulent sous les déchets depuis que la Chine a cessé de les acheter pour les recycler. Une situation qui a conduit les Américains à une certaine prise de conscience écologique. Pour avoir moins de déchets à recycler, mieux vaut moins en produire.
ENQUÊTE

Des centaines de villes américaines n'arrivent plus à recycler leurs déchets depuis que la Chine refuse de les prendre en charge. Alors certaines localités déversent leurs déchets recyclables dans des décharges, en attendant de trouver une solution. Pour certains, celle-ci est toute trouvée : consommer moins de plastique. Alors les États, les villes et les associations poussent les Américains à changer leurs habitudes.

"Ce que nous faisons est une mascarade"

Xavier Yvon s'est invité dans la cuisine de Nathaniel Popkin, un écrivain habitant à Philadelphie, en Pennsylvanie. Celui-ci est très attentif au tri de ses déchets. Le pot de beurre de cacahuètes, qui est gras, il le passe au lave-vaisselle avant de le jeter dans la poubelle bleue. Nathaniel Popkin nettoie ainsi tous ses déchets pour un meilleur recyclage, "ce qui est un peu ridicule", concède-t-il au micro d'Europe 1. Sauf que depuis six mois, la moitié des déchets recyclables de la ville finissent à l’incinérateur, brûlés avec les détritus.

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"Quand j'ai appris que ce recyclage n’était pas réel, ma tête a explosé", raconte cet habitant qui a appris cette situation dans la presse. "Imaginez une ville d’un million et demi d’habitants qui fait tout ça pour de faux. C'est absurde. Ce que nous faisons est une mascarade", dénonce-t-il. 

Quand la Chine ne veut plus être le recycleur du monde

Et pourquoi Philadelphie ne recycle-t-elle plus tous ces déchets pourtant consciencieusement triés par ses habitants ? La réponse se trouve à plus de 10.000 km de là, en Chine. Le pays achetait l’immense majorité des déchets recyclables américains : 4.000 containers remplis de plastiques chaque jour. Mais du jour au lendemain, Pékin a fermé ses portes arguant que cette activité n'était plus assez rentable et trop polluante. La Chine ne veut plus être le recycleur du monde. Faute de débouché, les déchets recyclables américains ont perdu de leur valeur.

Et avec ce commerce qui cesse, c'est tout un secteur qui est en difficulté. "Le marché aux États-Unis est asséché, personne ne veut prendre nos matériaux comme le verre, les canettes, les bouteilles", déplore Joe Valenti dont l'entreprise collecte des déchets pour les revendre. "J'étais payé 30 dollars [soit 26 euros] par tonne, mais maintenant ça me coûte cinq dollars [soit 4 euros] par tonne." De son côté, la ville de Philadelphie, qui gagnait de l'argent en vendant ses déchets, se retrouve brutalement avec une facture astronomique pour les faire traiter.

Une certaine prise de conscience écologique

Les États-Unis se retrouvent donc avec des montagnes de déchets sur les bras, ce qui amène à une prise de conscience même si les Américains restent les plus gros producteurs de déchets au monde. Il y a un mouvement naissant pour arrêter de surconsommer des produits jetables. New York vient d'interdire les sacs plastiques à usage unique, la Californie a fait de même pour les pailles en plastique. Mais la meilleure solution serait surtout d'avoir moins de déchets.

À partir du mois de mai, un nouveau service va remettre au goût du jour le système de la consigne. Avec The Loop ("la boucle", en français) Tom Szaky, qui est à l'origine du projet, veut proposer de remplir les contenants des produits de la vie courante, du shampoing à l’huile d’olive pour remplacer les emballages jetables par des contenants réutilisables. Les crèmes glacées seraient ainsi vendues dans des pots en acier plutôt qu’en carton.

Nous venons directement chercher les contenants chez vous, nous les emportons, nous les nettoyons et nous les redonnons aux producteurs qui les remplissent à nouveau. Et les voilà repartis dans le circuit !

"Quand votre bouteille n’a plus de jus d’orange ou que votre pot de glace est fini, vous les jetez", décrit-il au correspondant d'Europe 1. "Sauf que vous ne les jetez pas dans une poubelle normale ou pour les déchets recyclables mais dans une corbeille pour réutilisation. Pas besoin de nettoyer ou de trier, nous venons directement chercher les contenants chez vous, nous les emportons, nous les nettoyons et nous les redonnons aux producteurs qui les remplissent à nouveau. Et les voilà repartis dans le circuit", conclut-il.

Tom Szaky a convaincu 25 des plus grands groupes mondiaux de participer : Procter and Gamble (Oral B, Swiffer, Pampers), Unilever (Ben&Jerry's, Amora, Dove), Nestlé ou Haagen-Dazs ou encore Carrefour. C'est d'ailleurs en France que ce service sera lancé en premier, le 14 mai prochain, avant d’arriver ici à New York. Il s'étendra ensuite en Europe et au Japon, en espérant révolutionner notre manière de consommer, et donc de jeter.