Enfant syrien noyé : "c’est de ma faute"

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Géraldine Woessner avec , modifié à
La tante d'Aylan, l'enfant syrien de 3 ans retrouvé mort noyé en Turquie, s'est exprimée jeudi sur les circonstances du drame qui a coûté la vie à sa famille.
TÉMOIGNAGE

Pétrie d’un sentiment de culpabilité insondable, la tante du petit Aylan, 3 ans, retrouvé mort noyé sur une plage turque mercredi, raconte à Europe 1 comment elle a incité son frère à traverser la mer pour regagner l’Europe. Mais l’embarcadère où se trouvait la famille a chaviré. La mère et ses deux enfants ont péri dans le naufrage de ce bateau qui devait relier la ville côtière de Bodrum à l'île grecque de Kos. Seul le père a survécu. De ce naufrage reste une image glaçante, d’ores et déjà historique : celle d’Aylan, vêtu d'un tee-shirt rouge et d'un petit short bleu, échoué, le visage contre le sable.

"La seule solution, c'est d'essayer d'aller en Grèce". Le garçonnet et sa famille étaient originaires de Kobané, une ville de Syrie située à la frontière turque. Pour cette famille, le continent européen n'était qu'une étape. Elle espérait atteindre le Canada. Là-bas, parents et enfants auraient retrouvé la sœur du père, Teema, installée à Vancouver depuis une vingtaine d'années.

"J'avais rempli une demande au Canada, avec l'aide de mes voisins, de tous mes amis, pour parrainer la venue de mon frère aîné, Mohamed. Et j'avais dit à Abdallah : tu seras le suivant. Nous avons attendu, personne n'a répondu. En juin, la demande a été rejetée, alors j'ai dit : 'c'est impossible, je ne pourrai pas vous faire venir au Canada. La seule solution, c'est d'essayer d'aller en Grèce et de rejoindre l'Europe’", se souvient la sœur d’Abdallah, qui a perdu sa femme et ses deux fils dans le naufrage.

"Je me sens coupable". Selon les garde-côtes turcs, les deux bateaux, dont celui sur lequel étaient embarqués Aylan et sa famille, avaient pris la mer dans la nuit de mardi à mercredi. Les sauveteurs, rapidement prévenus par les cris des naufragés, ont repêché 12 corps sans vie, parmi lesquels celui d'Aylan et celui de son grand frère, Galip, âgé de 5 ans, selon les médias turcs.

Aujourd’hui, la tante d’Aylan est une femme brisée, pétrie de culpabilité. "Je leur ai envoyé de l'argent. Je me sens coupable. C'est de ma faute. Si je n'avais pas envoyé cet argent, ils ne seraient pas partis", regrette-t-elle.

"J'espère que le monde va se réveiller". Depuis le drame, le père de famille ne souhaite plus que retourner à Kobané pour enterrer ses fils et son épouse. "J'ai parlé à mon frère tout à l'heure au téléphone, depuis Bodrum, en Turquie. Il m'a dit : ‘tout ce que je veux dire au monde, c'est d'aider ces gens à traverser la mer, aidez-les’. Tout ce qu'il veut maintenant, c'est ramener ces corps à Kobané, en Syrie. Et rester avec eux", confie-t-elle.

Et d’ajouter, des sanglots dans la voix : "aujourd'hui, je ne blâme personne, mais j'espère que le monde va se réveiller et intervenir."