En Espagne, le dilemme de la droite politique
En Espagne, la guerre est ouverte à droite, entre la direction et l’étoile montante du parti, la présidente de la région de Madrid. Et cela tombe au pire moment : le Parti populaire doit choisir de s’allier ou non avec la droite populiste pour gouverner la plus grande région du royaume.
Isabel Diaz Ayuso est une vedette sans peur et sans masques, dans tous les sens du terme. Parce qu’elle s’est battue pour garder ouvert les terrasses, les restos, les spectacles de la capitale malgré le Covid-19. Et parce qu’elle adore démasquer l’adversaire, dénoncer l’idéologie à l’œuvre chez les féministes, le néomarxisme de ses adversaires de gauche, la tartufferie chez les socialistes au pouvoir.
Hier matin, elle a découvert dans un journal que la direction du Parti populaire avait recruté un détective pour enquêter sur un marché passé par la région qu’elle dirige pour (justement !) acheter les masques. Le contrat aurait profité à son frère. Dans une vie antérieure, la présidente Diaz a été responsable de la communication, chargée des chiens et des animaux domestiques. Elle en a gardé le mordant. Elle a sauté à la gorge de Pablo Casado, le chef du parti accusé de manœuvrer pour la détruire et de se conduire comme le pire des politiciens.
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C’est Pablo Casado qui a découvert et poussé Isabel Diaz sous les projecteurs. Évidemment, les triomphes électoraux de la quadra lui ont fait de l’ombre. Sa riposte a été immédiate : il traine l’insolente devant une commission de discipline. Elle va être virée. Mais derrière la querelle de personnes, il y a surtout un enjeu politique. En effet, cette bagarre éclate alors que sonne une heure de vérité pour la droite espagnole.
Une force populiste qui surgit
Pendant quarante ans, le parti populaire a été le grand parti de gouvernement au sein duquel plusieurs tendances cohabitaient. Il s’est tellement recentré qu’il semble interchangeable avec son pendant à gauche, le PSOE. L’un et l’autre pareillement soumis au chantage des partis catalans, basques, etc.
Il y a quatre ans, a surgi une force populiste comme dans le reste de l’Europe. Vox est un parti identitaire , qui fait flotter le drapeau, qui dénonce la complaisance avec les indépendantistes, le sacrifice des classes populaires, rejette les lois sur les violences sexistes et l’idéologie féministe. C’est Vox, comme vox populi, la voix du peuple. Il est devenu illico la troisième force au Congrès des députés. La gauche crie au fascisme, mais son chef Santiago Abascal est un ancien du Parti populaire. Il a aidé à déloger les socialistes de leurs places fortes à Séville en Andalousie, et à Madrid où il soutient Isabel Diaz.
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Jusqu’à dimanche dernier, c’était un soutien sans participation. Dimanche dernier, tout a changé. Le Parti populaire a remporté l’élection régionale en Castille et Léon, la plus grande région du royaume mais sans obtenir la majorité.
En tout, 31% des voix pour le PP. Et presque 18% pour Vox, qui veut bien apporter son soutien mais réclame sa place à table, dans le gouvernement régional. "Les électeurs ont parlé, nous exigeons ce qui nous revient, ni plus ni moins", a déclaré Santiago Abascal.
Une majorité absolue aux prochaines législatives
Bref, le parti populaire est devant un choix cornélien. Faire de la place à son rival de droite, au risque de le renforcer. Et les sondages leur annoncent à tous deux une majorité absolue aux prochaines législatives. Ou bien, écouter la gauche qui dénonce le retour du franquisme. Les socialistes proposent même de s’abstenir pour laisser gouverner en Castille une droite minoritaire.
Pour l’instant, au lieu de trancher dans le vif, le parti populaire a trouvé un dérivatif, couper le cou de la belle Isabelle.