Dans la Ghouta assiégée, "mes filles Noor et Alaa font face chaque jour à la mort"

Noor, 10 ans, et Alaa, 8 ans, vivent dans la Ghouta orientale, une enclave rebelle assiégée par le régime syrien depuis 2013.
Noor, 10 ans, et Alaa, 8 ans, vivent dans la Ghouta orientale, une enclave rebelle assiégée par le régime syrien depuis 2013. © Capture d'écran Twitter/@Noor_and_Alaa
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Mathilde Belin , modifié à
Noor et Alaa ont 10 et 8 ans. Ces deux sœurs syriennes vivent dans la Ghouta orientale, et sont filmées chaque jour par leur mère, qui veut témoigner de leur vie assiégée sur Twitter.
TÉMOIGNAGE

400.000 personnes vivent dans la Ghouta orientale, assiégée par le régime syrien, dont Shams, son mari et ses deux filles. Depuis début novembre, Shams Alkhateeb relate chaque jour sur Twitter son quotidien à travers le regard de ses enfants, Noor et Alaa. "Tous les enfants de la Ghouta orientale font face à la mort, chaque jour, à chaque minute. J'ai décidé de créer un compte Twitter pour montrer au monde ce qu'il se passe ici", témoigne cette mère de famille de 34 ans, contactée par Europe1 mercredi soir.  

Noor, 10 ans, et Alaa, 8 ans, apparaissent dans des vidéos quotidiennes, tantôt au milieu des ruines, tantôt dans un sous-sol… Il y a encore quatre mois, leur quotidien était relativement différent, alors que l’enclave rebelle, assiégée depuis 2013, n’était pas encore pilonnée par le régime. Dans les premiers posts, les deux fillettes vont encore à l’école, font leurs devoirs et jouent avec leurs copines : un contraste saisissant avec leur vie d’aujourd’hui.

Pas d’école, un manque de nourriture… Désormais, "il n’y a plus classe depuis 80 jours environ. Les écoles aussi sont ciblées, des enfants ont été tués", poursuit Shams, professeure d’anglais. D’après un dernier bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), plus de 600 civils ont été tués, dont 150 enfants, en onze jours. Dans certaines vidéos, Noor et Alaa improvisent alors les devoirs à la maison. Shams apprend aussi à ses filles les bases de l’anglais, langue dans laquelle sont tournées les vidéos.

Noor et Alaa racontent le quotidien d’une localité syrienne assiégée. Elles questionnent les autres enfants du quartier, qui ne vont plus à l’école comme elles. Elles font part de leur pauvreté, de l’absence de fruits sur les marchés, des prix chers du pain…

Leur maison bombardée. Il y a deux semaines, la vie de la famille Alkhateeb a connu un tournant, alors que le régime a entamé une vaste offensive aérienne sur cette enclave rebelle. Dans une vidéo postée le 22 février, l’immeuble de la famille a été ciblé par des tirs d’artilleries. On peut entendre Noor et Alaa pleurer et crier, une fumée a envahi l’appartement familial, et tout semble avoir volé en éclat. "Notre immeuble, et toute la rue, a été détruit", confie encore Shams à Europe1.

Une vie souterraine. La plus jeune sœur, Alaa, a été blessée à l’œil dans le bombardement. "Nous n’avons pas pu aller à l’hôpital, car les hôpitaux aussi sont pris pour cibles", poursuit sa mère. Dans une dernière vidéo publiée mercredi, les enfants du quartier sont regroupés dans un abri souterrain. "Aujourd’hui, tous les habitants de la Ghouta orientale vivent en sous-sol, sans électricité et sans nourriture", relate Shams.

"Pas de trêve, pas de cessez-le-feu". "Et maintenant, nous sommes assis dans une petite pièce de notre maison, parce que les avions de guerre sont au-dessus de nos têtes, nous sommes vraiment très effrayés", confie-t-elle encore. En dépit de l’instauration d’une trêve humanitaire quotidienne de cinq heures chaque matin depuis lundi, les tirs d’artillerie continuent de tuer dans la Ghouta orientale. Les forces du régime se livrent toujours à de violents affrontements avec les rebelles de l’enclave : "Obus, bombes et barils d'explosifs ont été déversés sur l'enclave rebelle", a indiqué l'OSDH.

"Les avions sont dans le ciel depuis le petit matin, nous ne pouvons pas sortir dehors. Il n’y a pas de trêve, pas de cessez-le-feu, les bombardements continuent", raconte Shams, qui affirme pourtant "garder espoir". "J’espère être sauve et ne pas vivre comme aujourd’hui (…) Je ne sais pas si on peut être évacués mais désormais je veux partir d’ici, et quitter la Syrie."

Un appel à la communauté internationale.
Noor et Alaa interpellent régulièrement l’opinion internationale sur Twitter. Maîtrisant très bien les codes des réseaux sociaux, elles ont sollicité l’Unicef ou encore l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley. Dans leur dernier post, les deux fillettes invitent les internautes à se prendre en photo en disant 'Je suis avec vous'.