Brésil : ce que l'on sait sur le scandale d'espionnage qui éclabousse Bolsonaro

La police enquête sur un présumé réseau d'espionnage illégal qui, sous l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro, aurait visé des adversaires politiques.
La police enquête sur un présumé réseau d'espionnage illégal qui, sous l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro, aurait visé des adversaires politiques. © EVARISTO SA / AFP
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avec AFP
De révélations en limogeages au sein des services de renseignements, l'affaire prend de l'ampleur au Brésil : la police enquête sur un présumé réseau d'espionnage illégal qui, sous l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro, aurait visé des adversaires politiques.

Le clan Bolsonaro a été directement visé cette semaine, via des perquisitions lundi chez l'un des fils de l'ancien chef de l'État (2019-2022), qui fustige une "persécution" menée selon lui sous l'égide de son successeur, le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

Comment le scandale a-t-il éclaté ?

Une première opération policière déclenchée en octobre s'était soldée par l'arrestation de deux fonctionnaires de l'Agence brésilienne de renseignements (Abin) soupçonnés d'avoir utilisé illégalement le logiciel espion israélien FirstMile. Acquis par le gouvernement brésilien fin 2018, peu avant l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, ce logiciel permet la géolocalisation d'individus à travers le signal émis par leurs téléphones mobiles. Le 25 janvier, une autre opération a ciblé Alexandre Ramagem, ancien chef de l'Abin et homme de confiance de l'ex-président.

L'acte judiciaire qui a autorisé les perquisitions visant M. Ramagem évoque un "groupe criminel" qui aurait créé une "structure parallèle" au sein de l'Abin, pour "surveiller illégalement des personnes et des autorités publiques". 

Lundi, la famille Bolsonaro a été touchée à son tour, avec des perquisitions chez Carlos, deuxième de la fratrie. Ce conseiller municipal de Rio de Janeiro est désigné par les enquêteurs comme membre d'un "noyau politique", qui aurait par ailleurs demandé illégalement à l'Abin des informations sur des enquêtes en cours visant Jair Bolsonaro et son entourage. Dans d'autres enquêtes, Carlos Bolsonaro est soupçonné d'avoir coordonné sous la présidence de son père un "cabinet de la haine", une "milice numérique" chargée de dénigrer des opposants sur les réseaux sociaux, et de disséminer de fausses informations.

En 2020, Gustavo Bebianno, ancien ministre de M. Bolsonaro, avait affirmé dans une émission que le deuxième fils du président lui avait suggéré la création d'une "Abin parallèle". M. Bebianno est mort d'un infarctus peu après.

Qui étaient les personnes espionnées ?

Selon la presse brésilienne, la police soupçonne que des centaines de personnalités politiques, magistrats, avocats ou journalistes, ont été espionnées illégalement.

Parmi elles figurerait le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes, voué aux gémonies par les Bolsonaro pour avoir ordonné plusieurs enquêtes contre l'ex-président et ses proches.

Il était également à la tête du Tribunal supérieur électoral quand cette haute cour a déclaré Jair Bolsonaro inéligible en juin dernier, pour avoir disséminé de fausses informations sur les urnes électroniques.

C'est lui qui a signé les ordres judiciaires autorisant les perquisitions chez Alexandre Ramagem et Carlos Bolsonaro.

"Les éléments de preuve recueillis jusqu'à présent indiquent que l'organisation criminelle infiltrée dans l'Abin a utilisé des méthodes illégales pour réaliser des actes clandestins contre des personnes qualifiées comme des opposants", indique l'un de ces documents.

Un autre juge de la Cour suprême, Gilmar Mendes, aurait également été espionné, tout comme un ancien président de la chambre des députés et un gouverneur devenu ministre de Lula.

Que dit le camp Bolsonaro ?

"Ils veulent ma tête", a affirmé l'ancien président jeudi. Lors d'un entretien à CNN Brésil lundi, Jair Bolsonaro a déclaré n'avoir "jamais reçu la moindre information sur la localisation de qui que ce soit" de la part de l'Abin. Il se dit "victime de persécution" - "des âneries", a répliqué Lula. 

Dans un communiqué diffusé par ses avocats, Carlos Bolsonaro "réitère qu'il n'avait aucun lien avec l'Abin" et qu'il n'avait jamais "sollicité ou reçu d'informations de tiers" de la part de l'agence.

Quel impact ?

Pour Lula, le défi est grave : c'est celui de la confiance qu'il peut avoir dans les services de renseignements. Des têtes ont commencé à tomber : mardi ont été limogés le numéro 2 de l'Abin, Alessandro Moretti, visé par l'enquête, ainsi que quatre autres responsables. Le numéro 3 de l'agence, Paulo Mauricio Fortunato, avait déjà été évincé après avoir été ciblé par l'opération policière d'octobre.

Par ailleurs, les soupçons d'espionnage illégal "jettent le discrédit sur les pratiques du gouvernement Bolsonaro", estime le politologue Paulo Baia, de l'Université fédérale de Rio de Janeiro, interrogé par l'AFP. Pour autant, le scandale fragilisera-t-il le camp de l'ancien président ? Les élections municipales d'octobre fourniront des éléments de réponse.