Le financier américain Jeffrey Epstein avait été arrêté en juillet 2019 pour avoir organisé un réseau constitué de dizaines de jeunes filles avec lesquelles il aurait eu des rapports sexuels contraints. 1:45
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Justin Morin et Laetitia Drevet avec AFP , modifié à
L'agent de mannequins français Jean-Luc Brunel, soupçonné d'avoir joué le rôle de rabatteur pour le milliardaire américain Jeffrey Epstein et accusé de viols par plusieurs anciens top models, a été mis en examen vendredi soir et placé en détention provisoire. Retour sur une affaire tentaculaire. 
DÉCRYPTAGE

L'agent de mannequins français Jean-Luc Brunel a été mis en examen vendredi soir pour "viols sur mineur de plus de 15 ans" et "harcèlement sexuel". Il est accusé d'avoir joué le rôle de rabatteur pour le sulfureux Jeffrey Epstein. Au centre d'une affaire tentaculaire de viols sur mineures et de harcèlement sexuel, ce milliardaire américaine avait été arrêté en juillet 2019 avant de se suicider en prison quelques semaines plus tard, suscitant un torrent d'interrogations et de théories du complot. Europe 1 fait le point sur cette affaire qui défraye la chronique. 

Qu'est ce que "l'affaire Epstein" ? 

Le financier américain Jeffrey Epstein avait été arrêté en juillet 2019 et inculpé à New York pour avoir organisé, entre 2002 et 2005, un réseau constitué de dizaines de jeunes filles, certaines collégiennes, avec lesquelles il aurait eu des rapports sexuels contraints dans ses nombreuses propriétés. Les plaignantes, parfois mineures, toujours désargentées à l'époque des faits, racontent avoir été approchées par des "rabatteuses", près de leur école ou à leur travail.

Elles disent avoir ensuite été persuadées, pour quelques centaines de dollars, de venir faire un massage, présenté comme non sexuel, à un puissant New Yorkais prêt à faire décoller leur carrière. Epstein aurait usé de méthodes similaires pour attirer et abuser de jeunes filles dans son opulente résidence de Palm Beach, en Floride, et dans son île privée des îles Vierges américaines, surnommée par certains "île de la pédophilie". Ses proies y arrivaient dans un de ses jets privés, surnommé le "Lolita Express". Cette affaire tentaculaire et à portée internationale a fait l'objet en 2020 d'un documentaire Netflix faisant intervenir des dizaines de plaignantes, dont les témoignages ont tous la même trame. 

Le suicide de Jeffrey Epsetin, alors qu'il était détenu à la prison fédérale de Manhattan, l'une des plus sûres du pays, a suscité à l'été 2019 un torrent d'interrogations et de théories du complot. Bien que son autopsie ait confirmé un suicide par pendaison, beaucoup continuent d'insinuer qu'il aurait été assassiné pour protéger les nombreuses personnalités et hommes de pouvoir qu'il avait fréquentés, du prince Andrew à Bill Clinton. 

Amis des célébrités, membre à part entière de la jet-set américaine, le carnet d'adresse de Jeffrey Epsetin avait des allures de Who's Who international. Mais il comportait aussi des rubriques "massages" avec des centaines de noms, contacts de jeunes filles originaires de plusieurs pays. Dans un témoignage datant de 2011, une plaignante accusait le financier d'avoir abusé de très jeunes Françaises qui lui avaient été envoyées comme "cadeau d'anniversaire surprise". "Jeffrey se vantait (...) qu'elles avaient 12 ans et qu'elles avaient été amenées de France parce qu'elles sont très pauvres et que leurs parents avaient besoin d'argent", indiquait-elle. Elle assurait également que ces jeunes filles avaient été envoyées aux Etats-Unis par un ancien proche d'Epstein, le Français Jean-Luc Brunel.

Qui est Jean-Luc Brunel ? 

Alerté par l'existence potentielle de mineures françaises parmi les victimes de Jeffrey Epstein, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire en août 2019. Il s'était alors intéressé au rôle de Jean-Luc Brunel, fondateur des agences de mannequins Karin Models et MC2 Model Management. Proche du financier américain, son nom était apparu dès la première enquête ouverte aux Etats-Unis contre Epstein et close en 2007. Dans cette première procédure, deux femmes l'avaient déjà accusé de jouer le rôle de rabatteur pour Jeffrey Epstein, amenant aux Etats-Unis des "jeunes filles" de milieux modestes en leur faisant miroiter des jobs dans le mannequinat. 

A l'époque, des messages troublants avaient été retrouvés par la police de Floride, dont celui-ci, noté en 2005 après un coup de fil de "Jean-Luc" : "Il a une prof pour vous, pour vous apprendre à parler russe. Elle a 2x8 ans, pas blonde." Le financier avait alors plaidé coupable de sollicitation de prostituées et écopé de 13 mois de prison. 

Quels sont les faits qui lui sont reprochés ? 

Dès l'ouverture de l'enquête préliminaire en août 2019, plusieurs anciens mannequins étaient alors sortis du silence pour accuser directement Jean-Luc Brunel de viols. La Néerlandaise Thysia Huisman affirme avoir été "droguée et violée" par Jean-Luc Brunel dans les années 1990. Virginia Giuffre, une des principales plaignantes de l'affaire Epstein, a également affirmé avoir été forcée à avoir des rapports sexuels avec Jean-Luc Brunel. En 2015, alors en froid avec Epstein, Jean-Luc Brunel avait annoncé des actions en France et aux Etats-Unis pour dénoncer ces "allégations" mais aucune de ces procédures n'a prospéré.

Vendredi soir, Jean-Luc Brunel a été mis en examen pour "viols sur mineur de plus de 15 ans" et "harcèlement sexuel". Mis en détention provisoire, il a été par ailleurs été placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour les faits de "traite des êtres humains aggravée au préjudice de victimes mineures aux fins d'exploitation sexuelle". Cette mise en examen laisse penser que les enquêteurs ont découvert de nouvelles charges contre Jean-Luc Brunel. 

Qui sont les autres mis en cause ? 

Ghislaine Maxwell. Fille du défunt magnat britannique des médias Robert Maxwell, Ghislaine Maxwell, que Jeffrey Epstein considérait comme sa "meilleure amie" est est accusée par certaines victimes présumées du financier d'avoir activement recruté de jeunes adolescentes et d'avoir participé aux abus. Dans une action au civil intentée en 2015 contre elle et Jeffrey Epstein, Virginia Giuffre affirme que Maxwell l'a retenue dans les années 2000 comme "esclave sexuelle". Ghislaine Maxwell a été arrêtée en juillet aux Etats-Unis et inculpée de trafic de mineures. 

Prince Andrew. Le nom du deuxième fils de la reine Elizabeth II revient souvent comme ayant été un ami de Jeffrey Epstein. Virginia Giuffre accuse Ghislaine Maxwell de l'avoir forcée à avoir des relations sexuelles avec lui, tandis qu'une autre femme l'a accusé de comportement indécent. Il a "catégoriquement" démenti les affirmations de ses accusatrices.

Leslie Wexner. Patron milliardaire de l'entreprise L Brands - connue pour être la maison-mère de la marque de lingerie Victoria's Secret - il est soupçonné par certains d'avoir été le principal soutien financier de Jeffrey Epstein, qui le recruta comme conseiller financier à la fin des années 1980. Selon le New York Times, Wexner faisait suffisamment confiance à Epstein pour lui donner une procuration générale au début des années 1990, et lui céder sa maison de Manhattan sans qu'il y ait d'argent échangé. Un porte-parole de Leslie Wexner a assuré qu'il avait coupé les liens avec son ex-protégé il y a 10 ans.

George Mitchell. Ex-émissaire spécial de Bill Clinton et figure des accords de paix en Irlande du Nord, puis émissaire spécial de Barack Obama pour le Moyen-Orient, George Mitchell a vu son aura entachée par des documents révélés en 2019. Virginia Giuffre affirme en effet qu'elle aurait été forcée par Epstein et Maxwell d'avoir des rapports sexuels avec lui mais aussi avec Bill Richardson, ex-ambassadeur des Etats-Unis aux Nations unies sous Bill Clinton. Les deux ont catégoriquement balayé ces accusations.

Jeffrey Epstein a compté dans son entourage Bill Clinton et Donald Trump. Personne n'a suggéré que ces deux derniers aient profité de jeunes filles recrutées pour Jeffrey Epstein. Mais leurs noms ont été cités pour avoir voyagé à bord de ses avions privés, et Epstein a par ailleurs fréquenté le club de Floride de Donald Trump à Mar-a-Lago.