Turquie : dix ministres prennent la porte, la rue proteste

A Istanbul, près de 5.000 protestataires ont été violemment dispersés par la police après des incidents dans le quartier de Kadikoy, sur la rive asiatique d'Istanbul.
A Istanbul, près de 5.000 protestataires ont été violemment dispersés par la police après des incidents dans le quartier de Kadikoy, sur la rive asiatique d'Istanbul. © Reuters
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Damien Brunon, Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Le Premier ministre islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a largement remanié son gouvernement.

L’INFO. Le scandale de corruption qui touche Ankara prend une tournure politique. Après le ministre de l’Economie, Zafer Caglayan, le ministre de l’Intérieur, Muammer Güler, c'est le ministre de l'Environnement, Erdogan Bayraktar, qui a renoncé à sa fonction mercredi. Les révélations dans le cadre d’un potentiel scandale financier qui concernerait 24 personnes dans le pays, dont deux des fils du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, continuent d’éclabousser la sphère politique du pays. Au point que le chef du gouvernement a annoncé dans la soirée un vaste remaniement. 

Première vague. "Je quitte mon poste de ministre de l'Economie pour que toute la lumière puisse être faite sur cette ignoble opération qui vise notre gouvernement", a souligné Zafer Caglayan dans un court communiqué. "L'opération lancée le 17 décembre est clairement un complot hideux contre notre gouvernement, notre parti et notre pays", a affirmé le ministre démissionnaire. "J'avais demandé le 17 décembre au Premier ministre d'être excusé de mes fonctions, aujourd'hui je lui ai remis ma décision en écrit", a précisé à son tour le ministre de l’Intérieur, Muammer Güler, dans un communiqué.

Seconde vague. Quelques heures plus tard, c'est le ministre de l'Environnement, Erdogan Bayraktar, qui a annoncé son départ du gouvernement. "Je démissionne de mon poste de ministre et de député", a-t-il dit sur la chaîne d'information NTV. Plus étonnant, il a lancé un appel au Premier ministre en place, Recep Tayyip Erdogan, pour que ce dernier fasse de même.

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"Un complot" selon Erdogan. Le coup de filet opéré par la police le 17 décembre a ébranlé le prestige du gouvernement turc islamo-conservateur en place depuis 2007. Il faut dire que ce pouvoir s'était érigé en leader de la lutte anti-corruption dans le pays. Le Premier ministre a dénoncé un "complot aux ramifications internationales" ourdi pour déstabiliser le pays et son économie. "Il y a une dimension internationale à toute cette conspiration. C'est une affaire présentée sous la forme d'une opération judiciaire qui vise en fait à porter atteinte à l'avenir de la Turquie", a-t-il martelé.

Un vaste remaniement. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé mercredi soir le remplacement de dix des vingt ministres de son gouvernement. Parmi les ministres remplacés figure celui des Affaires européennes, Egemen Bagis, dont le nom a été mentionné dans le dossier de corruption présumée, mais qui n'avait pas  démissionné.

La rue proteste. Dans la soirée, des manifestations appelant à la démission du gouvernement ont eu lieu dans plusieurs villes du pays dont Istanbul et Ankara. A Istanbul, près de 5.000 protestataires ont été violemment dispersés par la police après des incidents dans le quartier de Kadikoy, sur la rive asiatique d'Istanbul. Les manifestants ont scandé des slogans hostiles à Erdogan, qui affronte son plus grand défi depuis que l'élite islamo-conservatrice qu'il dirige sans partage a pris les rênes du pays en 2002. D'autres rassemblements se sont déroulés à Ankara et à Izmir (ouest). Des appels à manifester ont par ailleurs été lancé pour vendredi soir sur la place Taksim d'Istanbul, coeur de la contestation de l'été dernier.

>>> L'avis de Daniel Cohn Bendit sur la situation en Turquie, c'est en vidéo :

Un tremblement de terre politique à Ankarapar Europe1fr