Trayvon Martin : comment l'affaire a-t-elle basculé ?

L'impunité accordée au tueur après qu'il a invoqué la légitime défense a renforcé cette indignation.
L'impunité accordée au tueur après qu'il a invoqué la légitime défense a renforcé cette indignation. © REUTERS
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Charles Carrasco , modifié à
DECRYPTAGE- George Zimmerman a été inculpé et incarcéré pour le meurtre de ce jeune noir américain.

Après l'effervescence médiatique, l'affaire Trayvon Martin prend un tournant judiciaire. Mercredi, la justice américaine a franchi une nouvelle étape en engageant des poursuites contre George Zimmerman, l'auteur présumé du meurtre, alors qu'il avait d'abord été relâché sur parole. Quels ont été les éléments qui ont fait basculer l'affaire ? Europe1.fr fait le point.

La communauté afro-américaine sous le choc. La mort, le 26 février dernier, de Trayvon Martin a provoqué l'indignation d'une partie l'opinion publique américaine. Notamment la communauté Afro-américaine qui considère à 80% qu'il s'agit d'un crime raciste, selon un récent sondage du Washington Post. L'impunité accordée au tueur après qu'il a invoqué la légitime défense a renforcé cette indignation. Des manifestations ont eu lieu quotidiennement dans tout le pays pour dénoncer un nouvel exemple de "crime racial" et ce, bien avant les conclusions de l'enquête. Signe qu'il existe aujourd'hui une empathie générale pour Trayvon Martin : plus d'un million de signatures ont été réunies sur le site change.org pour demander l'inculpation de George Zimmerman.

Le port d'armes. Une autre partie de l'opinion américaine "essaye de 'déracialiser' le crime et voit plutôt dans cet acte la question des armes et des 'gated communites' américaines", explique François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis, contacté par Europe1.fr. Le tueur incarnerait les dysfonctionnements d'une législation de Floride qui étend la zone de légitime défense aux espaces publics via des milices armées. "Cet acte est également perçu comme un crime du second amendement de la Constitution, qui garantit le droit de porter des armes", précise-t-il.

Le tueur présumé.George Zimmerman, citoyen américain d'origine péruvienne, s'était porté volontaire pour surveiller les alentours du lotissement où il habitait. Même s'il a initialement suivi le jeune homme de 17 ans le jugeant "suspect", le tueur présumé a affirmé avoir agi en état de légitime défense après avoir été attaqué par le jeune Trayvon. Pourtant, une vidéo de surveillance montre que le tueur présumé ne présente aucune blessure. Le fait qu'il ait été cru sur parole, et immédiatement relâché avec son arme, a suscité un émoi. La police de Sanford a été pointée du doigt pour avoir manqué à ses prérogatives. Lâché récemment par ses avocats qui disent avoir perdu "son contact", George Zimmerman est désormais bien seul dans cette affaire. 

L'appel de Barack Obama. Le fameux "si javais un fils, il ressemblerait à Trayvon" restera une des phrases marquantes du mandat de Barack Obama. Le président américain avait qualifié le meurtre de Trayvon Martin de "tragédie" et demandé qu'une enquête complète soit ouverte afin d'éclaircir les circonstances du drame. "C'est très rare que le président prenne partie. Normalement aux Etats-Unis, le pouvoir judiciaire est très séparé de l'exécutif. Là, il a quasiment demandé que la justice aille plus loin", analyse François Durpaire pour Europe1.fr. Cette phrase lancée par le président américain a beaucoup ému l'Amérique et a fortement pesé dans la balance.

Un grand jury absent. Preuve que la pression populaire a été décisive dans le cas Zimmerman, la procureure spéciale de l'Etat de Floride, Angela Corey a annoncé qu'un "grand jury" populaire ne sera pas convoqué dans cette affaire. Normalement, en Floride, seuls les cas de meurtre prémédité nécessitent le recours à un grand jury. Mais, dans le droit américain, la procureure aurait eu la possibilité de poursuivre un meurtrier pour homicide. Clairement, Me Corey veut éviter que le l'émotion et la médiatisation de l'affaire aient une influence sur le jugement final. Ou pire encore : qu'elle se fasse "déjuger" par le jury. "Les réseaux de solidarité et associations sont très puissants aux Etats-Unis. La justice a clairement subi la pression démocratique, conclut François Durpaire. Il ne faut pas oublier que la procureure est soumise à une élection".