Thaïlande : une victoire pour "l'armée du peuple" ?

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Charles Carrasco
Des milliers de manifestants thaïlandais sont entrés mardi au siège du gouvernement, sans rencontrer de résistance.

L'INFO. S'agit-il d'un changement de stratégie de l'exécutif ou d'un véritable tournant de la crise thaïlandaise ? Tout cela n'est pas encore très clair mardi. Toujours est-il que des milliers de manifestants ont été autorisés mardi à entrer au siège du gouvernement et au quartier général de la police de Bangkok, provoquant des joyeuses embrassades entre manifestants et policiers, qui ont quitté leur poste. "Afin de réduire la tension entre les manifestants et la police, les barrières ont été ouvertes afin de laisser les manifestants entrer dans l'enceinte", a justifié le centre de crise du gouvernement.

Le chef de la police métropolitaine, le lieutenant général Kamronwit Thoopkrajang, conspué par la foule jusqu'ici en raison de sa proximité avec Thaksin (le frère de la Première ministre, ndlr), avait affirmé dans la matinée que ses troupes n'empêcheraient pas les manifestants d'entrer, car le quartier général "appartient au peuple".

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L'opposition prend des bâtiments stratégiques. Alors que depuis plusieurs jours la police défendait avec force le bâtiment du gouvernement, les blocs de béton et rouleaux de barbelés ont été poussés mardi pour faire place aux manifestants. Même si la Première ministre reste encore à son poste, l'opposition a crié victoire. "La victoire est dans les mains de l'armée du peuple. Nous sommes en mesure de prendre tous les bâtiments clefs du gouvernement", a assuré Issara Somchai, un des meneurs de la contestation, devant une foule en liesse massée au Monument de la démocratie, lieu symbolique des manifestations.

Le meneur des manifestations a assuré un peu plus tard qu'il ne renonçait pas à faire tomber le gouvernement. "C'est une victoire partielle. Mais elle n'est pas finale, car le régime Thaksin est encore en place. Vous ne pouvez pas encore rentrer chez vous, nous devons poursuivre notre lutte", a lancé Suthep Thaugsaban à ses partisans réunis dans un complexe gouvernemental qu'ils occupent à la périphérie de Bangkok.

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La Première ministre contestée. La chef du gouvernement Yingluck Shinawatra a, de son côté, quitté la capitale pour se rendre dans la station balnéaire de Hua Hin. C'est à cet endroit que le roi Bhumibol réside et où se préparent les célébrations du 86e anniversaire du révéré monarque jeudi. Réunissant jusqu'à 180.000 personnes dans la rue, l'opposition conteste l'autorité de la chef du gouvernement depuis plusieurs semaines, l'accusant d'être la marionnette de son frère, Thaksin Shinawatra, chassé des mêmes fonctions par un coup d'Etat en 2006. La Première ministre a rencontré le meneur de la contestation dimanche, mais celui-ci refuse toute autre discussion, tant que celle-ci ne cède pas à son idée de "conseil du peuple", non élu, qui remplacerait le gouvernement.

Les manifestants sont une alliance de bourgeois conservateurs proches du Parti démocrate et de groupuscules ultra-royalistes. Ils ont en commun cette haine profonde de Thaksin qui rejaillit sur sa sœur, à la tête du gouvernement depuis 2011, après une large victoire dans les urnes du parti pro-Thaksin, Puea Thai.

Le parti démocrate à la manœuvre. Derrière les manifestants se trouve le Parti démocrate, principale formation d'opposition, qui n'a pas gagné d'élections au niveau national depuis 20 ans. Mais il est majoritaire à Bangkok et dans le sud du pays. Il est traditionnellement soutenu par les élites de la capitale qui voient Thaksin, et le mouvement des "chemises rouges" qui le soutient, comme une menace pour la monarchie.

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