Syrie : les enfants de la guerre, une génération perdue

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SACRIFIÉS - Près de trois ans après les premiers bouillonnements de guerre civile en Syrie, l'Unicef publie un nouveau rapport sur les enfants syriens. Alarmant.

Le sombre avenir de la jeunesse syrienne. Il y a les cicatrices, les pleurs, le travail forcé, les traumatismes en tout genre. Depuis trois ans, les enfants de Syrie vivent dans l’ombre de la guerre, rappelle un rapport de l’Unicef publié mardi. Au moins 10.000 déjà sont morts, certains directement visés par les snipers. L’organisme de l’ONU est alarmiste sur la situation de ces 5,5 millions d’enfants qui survivent malgré le conflit syrien. Pour Europe 1, le pédopsychiatre Stéphane Clerget confirme l’inquiétude de l’Unicef : "On fabrique des criminels en puissance".

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Post-traumatique. Parmi les cas les plus graves, on recense trois types de traumatisme, selon le pédopsychiatre auteur du Pédopsy de poche : la mort d’un parent ou d’un membre de sa famille, les atteintes physiques comme la perte d’un bras ou les agressions sexuelles, et enfin le fait d’assister à des scènes de violences, sans qu’elles touchent directement un proche de l’enfant. Dans ces trois cas, les petits sont sujets au stress post-traumatique et à la dépression. "Il pleure toute la nuit", raconte la mère d’Adnan, 4 ans, dans le rapport de l’Unicef. "Tout l’effraye et il a peur quand nous le laissons tout seul, ne serait-ce qu’une seconde."

La guerre provoque des dégâts plus graves chez les enfants que chez les adultes qui, eux, "peuvent se reposer sur le noyau dur de leur enfance". En clair, la violence subie n’est pas inscrite dans leur personnalité profonde des personnes plus âgées.

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Sociopathie et paranoïa en perspective. Le plus dur à supporter pour un enfant est la perte de ses parents, explique Stéphane Clerget. L’Unicef raconte l’histoire de la petite Bara, cinq ans. Elle est retrouvée pendant une trêve humanitaire à Homs, errant seule dans les rues. Tarek Hefnawy, un des humanitaires qui a aidé à l’évacuation de la ville, raconte qu’il l’a "portée jusqu’à ce qu’il trouve sa famille. Sa mère est morte dans une attaque la veille de l’évacuation". La petite a finalement pu retrouver son père et fuir son foyer de Homs. Dans des cas comme ceux-là, après la mort d’un parent, "les attaches matérielles, qui sont normalement très importantes, passent au second plan", explique le pédopsychiatre.

Dès le lendemain des guerres mondiales, et notamment à la sortie des camps de concentration, les psychologues ont étudié les effets à long terme des guerres sur les enfants. Aujourd’hui, tout se combine pour "dévaster toute une génération", selon l’Unicef. Un constat partagé par Stéphane Clerget qui estime que la Syrie est devenue un "terreau de personnes qui auront des conduites meurtrières". Bien sûr, tous ne garderont pas des séquelles à vie, mais certains peuvent développer des conduites paranoïaques, voire des traits de sociopathie. Pour se protéger contre cet environnement meurtrier et y survivre, les enfants peuvent en effet briser d’eux-mêmes tous les liens affectifs avec leurs proches. Et devenir par la suite incapable de la moindre empathie.

Leurs enfants. Les conséquences de la guerre de Syrie toucheront jusqu’à la génération suivante, les enfants des enfants d’aujourd’hui. "Ceux qui n’arrivent pas à se départir du poids de la violence peuvent transmettre leur douleur à leurs propres enfants", explique Stéphane Clerget, qui mentionne notamment des cas de violence domestique, "a minima", selon lui.

La fin de la guerre est bien sûr une priorité absolue, mais l’Unicef appelle à des prises en charge psychologiques pour les enfants du conflit syrien, afin de les aider à se délester du poids des violences.  Mais le problème ne s’arrête pas là. Quand bien même les séquelles psychologiques se résorberaient, ces enfants sont hors de tout système éducatif depuis trois ans. Comment envisager l’avenir pour un adolescent qui travaille, voire prend les armes, au lieu de grandir et de devenir adulte ?

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