Syrie : le parcours du combattant des évacués de Homs ?

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ET MAINTENANT - Quelque 1.400 civils ont pu quitter la Vieille ville de Homs, assiégée depuis des mois. Voici ce qui les attend désormais.

L’INFO. Pendant 18 mois, ils ont été piégés dans l’enfer de Homs. Environ 1.400 civils syriens ont pu être évacués début février de la troisième ville du pays, berceau assiégé de la contestation contre Bachar al-Assad. Cette évacuation, ils la doivent à la conférence de Genève II qui s’est tenue en Suisse en janvier. Lakhdar Brahimi, le médiateur international, avait alors réussi à arracher au régime la promesse de laisser sortir les civils de la Vieille ville de Homs, une petite zone de 2 km2 en grande partie en ruines. La promesse du régime syrien est d’ailleurs le seul résultat tangible des discussions entre le régime et l’opposition, dont la deuxième série s’est achevée sur une impasse. Europe1.fr s’est penché sur le sort de ces réfugiés, évacués dans des conditions chaotiques.

Une évacuation difficile. Au total, quelque 1.400 civils ont pu être évacués de la Vieille ville depuis le 7 février. Une opération menée sous l'égide des Nations unies et du Croissant Rouge, dans des conditions encore plus difficiles que prévu. A plusieurs reprises, humanitaires et réfugiés ont essuyé des tirs. Des évacués ont aussi dû parcourir un long chemin, chargés de leurs quelques biens personnels, protégés seulement par un rempart de 4x4 des Nations unies, faute d'avoir pu acheminer les autocars et les camions qui devaient être utilisés. Une situation tellement chaotique que le président du Comité international de la Croix-Rouge, dont les déclarations sont rares, s'est fendu d'un communiqué rappelant ses conditions pour participer aux évacuations.

Des images tournées par le Croissant Rouge syrien :

Ils s’installent "là où ils peuvent". Une fois sortis de la Vieille ville, les évacués ont été dirigés vers le quartier d’Al-Waer, où vivent déjà d’autres déplacés. "Après, c’est leur choix : ils sont là-bas, ils vont essayer de s’installer dans des habitations de fortune, là où ils peuvent", indique à Europe1.fr Elisabeth Byrs, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), une agence onusienne. Avant cela, les évacués ont tous reçu des "rations prêtes à manger" aux évacués. Le but : "compenser les manques et la malnutrition", car dans la ville assiégée, la nourriture manque cruellement.

Des évacués quittent Homs.

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Des réfugiés affamés. Lyse Doucet, journaliste britannique, explique ainsi dans The Guardian avoir rencontré à Homs un homme dont la famille n’avait plus qu’une seule chose à manger : de l’herbe bouillie dans de l’eau. Les habitants de la Vieille ville "vivaient sur de l’herbe, des feuilles, des épices mélangés à de l’eau", confirme à Europe1.fr Elisabeth Byrs, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), citant le cas d’un homme qui n’avait "pas vu un morceau de pain depuis cinq mois". Seule nourriture disponible à Homs : du boulgour, en petite quantité, et "infesté par la vermine". La faim est telle que l’année dernière, une enfant a été enlevée.  Pour la récupérer, ses parents ont dû verser une rançon : un kilo de boulgour.

"Moments humanitaires de l'évacuation d'hier lundi - Les services de santé au point de sortie 10-2"

Des hommes arrêtés par le régime. La vraie inquiétude porte sur le sort des hommes entre 15 et 55 ans. Environ 400 d’entre eux, sortis du quartier assiégé, ont été interpellés par les forces du régime de Bachar al-Assad, qui voit en eux de potentiels combattants rebelles. Ils ont été transportés dans une école proche pour y être interrogés. Ces arrestations ont suscité l’émotion, notamment de la France, qui a réclamé leur libération "dans les plus brefs délais" le 13 février dernier.

Depuis, certains ont été libérés, mais pas tous. Et des enfants se trouvent avec eux, "car la situation de leur père ou de leurs frères est toujours en train d’être passée sous revue", selon l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qui réclame la "libération accélérée" des enfants. Samedi, le gouverneur de la province de Homs est sorti de son silence pour assurer que les hommes encore retenus allaient recevoir… des cours de religion pour "modifier leur interprétation erronée de l’islam".

D’autres craignent de sortir. Conséquence de ces arrestations : des combattants anti-régime ont préféré ne pas sortir de la Vieille ville, de peur d’être arrêtés par les forces syriennes. D’après l’AFP, ils seraient environ 60 ans. Au total, il resterait encore entre 2.500 et 3.000 personnes dans la zone assiégée. Dans son dernier bulletin humanitaire, l’ONU exprime son inquiétude et se demande "s'ils seront autorisés à partir, et si leur choix de partir ou de rester est volontaire". Pour les nourrir, le PAM a réussi à faire rentrer des rations familiales ainsi que de la farine, souligne Elisabeth Byrs.

Des évacués quittent Homs.

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"Une goutte d’eau". Depuis jeudi dernier, l’évacuation des civils de Homs est interrompue et l’incertitude plane sur une éventuelle reprise. Et si l’opération représente bien un progrès et une lueur d’espoir dans l’enfer syrien, elle n’est qu’une "goutte d’eau", insiste Elisabeth Byrs, pour qui "il ne faut que pas que ça devienne une feuille de vigne qui cache les autres endroits, des endroits extrêmement difficiles d’accès". Car l’ONU estime qu’en Syrie, 250.000 personnes vivent "sous siège", sans le moindre accès humanitaire, et 800.000 "dans des endroits où nous n’avons qu’un accès irrégulier et intermittent".

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