Les Grecs mobilisés pour leur télé publique

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Charles Carrasco avec agences , modifié à
Après cette dissolution brutale, un appel à la grève est lancé à partir de jeudi en Grèce.

Une grève générale. Après cette dissolution brutale, les défenseurs de l'audiovisuel public ne désarment pas. Le syndicat de la fonction publique ADEDY et le syndicat du secteur privé GSSE ont lancé un appel à une grève générale de 24 heures jeudi pour exprimer leur "solidarité aux employés de la télévision publique et protester contre ces réformes inacceptables du secteur public exigées par les créanciers", a assuré le secrétaire général d'ADEDY, Ilias Iliopoulos. Les syndicats ont dénoncé cette fermeture "antidémocratique" menée "dans le cadre des politiques d'austérité", et ont qualifié de "coup d'Etat" la "décision d’Antonio Samaras", le Premier ministre, qui justifie, lui, cette décision par des coupes budgétaires nécessaires.  

>>> Cette dissolution de la télé et de la radio publique illustre une crise multiple qui couvait déjà en Grèce.

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Une crise politique. Cet événement sans précédent en Europe a replongé la Grèce dans une crise politique qui était déjà latente du fait d’une coalition hétéroclite au pouvoir. Les socialistes et la gauche modérée, membres du gouvernement de coalition dirigé par le conservateur grec Antonis Samaras, ont appelé ce dernier mercredi à une réunion "tripartite" pour trouver "une solution" au désaccord sur la fermeture brutale de la radiotélévision publique ERT. Les chefs des socialistes Evangélos Vénizélos et de la gauche modérée, Fotis Kouvélis, qui font partie de la coalition gouvernementale depuis un an, ont appelé à la réouverture de l'ERT, tout en se disant d'accord sur la restructuration de cet organisme, critiqué pour son clientélisme et sa mauvaise gestion. Les deux partis, dont dépend la majorité du gouvernement Samaras, n’excluent pas de déposer une proposition de loi annulant la décision prise par décret.

>>> A lire : RECIT :Les dernières minutes de la télé publique grecque

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Une crise institutionnelle. Cette dissolution de la télévision et de la radio publique risque également de provoquer une nouvelle crise avec ses créanciers, notamment la zone euro et le Fonds monétaire internationale. En effet, ces derniers réclamaient déjà la restructuration des déficits de la Grèce via une suppression de milliers de fonctionnaires d’ici 2014, dont 2.000 au début de l’été. Si à Bruxelles, la Commission européenne a pris ses distances avec cette décision, les Grecs ont le sentiment d’avoir été soumis à la pression de l’UE. Selon Marietta Karamanli, députée PS de la Sarthe et originaire de Grèce, l'UE a bien sa part de responsabilités. "La pression qui est exercée aujourd’hui fait que le gouvernement a choisi la privatisation. L’Union européenne a quand même un certain nombre de responsabilités", a-t-elle affirmé mercredi dans Europe 1 Soir.

Le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou, a affirmé de son côté que la décision avait été prise il y a six semaines. Selon lui, cette décision n'avait aucun lien avec l'échec de la privatisation de la compagnie gazière publique DEPA (qui était censée rapporter un milliard d'euros à l'Etat) et qui devait être céder au russe Gazprom. Les autorités grecques ont suggéré que la responsabilité du retrait de Gazprom était peut-être à chercher du côté de la Commission européenne. Cette décision n’aurait rien à voir non plus avec la venue lundi à Athènes des inspecteurs de la "troïka", formée par l'Union européenne, la BCE et le FMI, les partenaires avec lesquels la Grèce a négocié les conditions de son sauvetage financier. 

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Une crise économique et sociale. Cette dissolution de la télé publique a remis sur le devant de la scène les multiples défis économiques et sociaux que doit relever le pays. Athènes est tenue de respecter un sévère programme d'austérité en échange d'une aide financière internationale. Selon le plan de sauvetage financier mis au point par l’UE et le FMI, la Grèce doit lever au moins 1,8 milliard d'euros d'ici fin septembre par le biais de privatisations, avec un objectif d'au moins 2,5 milliards d'euros d'ici la fin de l'année. Sur les deux dernières années, le Grèce a levé seulement deux milliards d'euros grâce aux privatisations, soit beaucoup moins qu'initialement prévu en 2010.

Sur le plan social, la Grèce est toujours plongée dans des difficultés abyssales. Elle a le taux de chômage le plus haut de la zone euro avec 27%. Un chiffre qui avoisine les 60% chez les jeunes. Une nouvelle baisse du smic de 580 euros mensuels à 490 euros a été entérinée en avril dernier. Le salaire minimum mensuel avait déjà fortement chuté en 2012, passant de 862 euros à 580 euros.