Les Amérindiens "code talkers" (enfin) reconnus

Arvol Looking Horse est un chef amérindien lakota.
Arvol Looking Horse est un chef amérindien lakota. © Reuters
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Charles Carrasco avec AFP
Les Etats-Unis vont leur accorder la plus haute récompense civile pour leur rôle dans la Seconde guerre mondiale.

L’INFO. Ils ont eu un rôle prépondérant dans la Seconde guerre mondiale, mais cette reconnaissance arrive bien tardivement. Vingt-quatre ans après la France, les Etats-Unis vont accorder mercredi leur plus haute récompense civile à des Amérindiens. La raison ? Leur dialecte ancestral servit de code de communication indéchiffrable contre les ennemis allemands et japonais.

"Il était temps", philosophe Wallace Coffey, le président élu de la nation des Comanches. Avec plusieurs dizaines de ses compatriotes, il a fait le déplacement à Washington depuis l'Oklahoma, dans le centre des États-Unis, pour recevoir la Médaille d'Or du Congrès au nom de 17 soldats comanches, les "Numurekwa'etuu". "Le gouvernement américain a mis très longtemps à reconnaître quoi que ce soit d'importance pour les Indiens d'Amérique, et cela reste un sujet de frustration pour la communauté encore aujourd'hui", déplore Herman Viola, spécialiste de la question amérindienne.

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33 tribus récompensées. Au total, environ 250 Indiens de 33 tribus seront récompensés, la plupart à titre posthume. Au moins un, Edmond Harjo, est encore vivant et participera à la cérémonie. Quelque 400 soldats de la tribu des Navajos ont déjà reçu en 2000 la Médaille d'Or du Congrès, mais ceux des autres tribus ont dû attendre 2008 pour que le Congrès vote l'attribution de la même récompense.

Envoyer des messages militaires. L'idée d'utiliser ces dialectes oraux germe en 1918 sur le front français dans la tête d'un officier américain. Celui-ci est frustré de voir les communications américaines interceptées par les Allemands. Quatre de ses soldats sont Comanches. "Il demande à ces quatre Comanches d'utiliser leur langage pour envoyer des messages militaires" sur les mouvements de troupes allemandes, explique Lanny Asepermy, historien de l'association des vétérans comanches. A l’époque, "les Allemands n'ont absolument rien compris", ajoute-t-il.

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"Avion" devient "oiseau" et "bombardier" "oiseau enceinte". L'armée américaine reproduira cette méthode à grande échelle pendant la Seconde guerre mondiale. A l'époque, même si certains dialectes indiens sont écrits, la grammaire, la prononciation et le vocabulaire des langues indiennes restent un mystère pour les Allemands et les Japonais. Des centaines d'Indiens sont formés et chargés de transmettre des messages dans leurs langues. Parfois, faute d'équivalents, il leur faut transcrire avec des mots du quotidien : "avion" devient "oiseau" et "bombardier" "oiseau enceinte". Un code plus sophistiqué est aussi devisé par les Navajos, Comanches, Hopis et Meskwakis : à chaque lettre de l'alphabet latin correspond un mot indien. En Navajo, le mot "moasi" signifie "chat" et est donc utilisé pour signifier la lettre "c".

Un droit durement acquis aux Etats-Unis. Malgré cette aide précieuse, cette reconnaissance a été très longue à se dessiner. Le gouvernement américain a passé le 19e siècle à tenter d'éradiquer la culture indienne. Lors de la Première guerre mondiale, les Indiens ne sont pour la plupart pas citoyens américains. Ce droit ne leur sera conféré qu'en échange de leur engagement dans l'armée.

Et la France ? La France a, elle, été plutôt en avance sur la question des Amérindiens. Un hommage a été rendu en 1989 à ces soldats indiens qui contribuèrent à l'effort de guerre américain. Pierre Messmer, ancien Premier ministre de Charles de Gaulle, fait alors Chevaliers de l'Ordre national du mérite les "code talkers" des tribus Choctaws et Comanches, lors d'une cérémonie dans l'Oklahoma.