La vie d'un Français à Fukushima

Les moniteurs indiquent la présence d'une radiation haute à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima.
Les moniteurs indiquent la présence d'une radiation haute à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima. © Reuters
  • Copié
Charles Carrasco avec William Galibert , modifié à
DEUX ANS APRES -  Philippe Nibelle vit toujours dans l'inquiétude. Mais ne veut pas partir.

L'INFO. Triste anniversaire pour le Japon. Le 11 mars 2011, un séisme puis un tsunami avaient fait 19.000 morts et disparus dans la région du Tohoku, puis entraîné un accident nucléaire majeur à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Cette catastrophe a représenté le pire désastre pour le secteur depuis celle de Tchernobyl en Ukraine en 1986. Elle a entraîné le rejet massif de radiations et poussé quelque 160.000 personnes à abandonner leur domicile.

Mais Philippe Nibelle, professeur de français, qui vit à quelques dizaines de kilomètres de la centrale nucléaire, a choisi de rester. Sa santé ? "J'ai pris quelques becquerels, mais ça va, ce n'est pas catastrophique", dit-il désabusé. "J'ai 62 ans, c'est difficile. Je suis propriétaire de ma maison. J'ai mon travail à la faculté. C'est difficile du jour au lendemain de tout lâcher et de dire 'je m'en vais'. Et qui va vouloir acheter une maison près de Fukushima aujourd'hui ?", témoigne ce Français au micro d'Europe 1.

"On a une heure ou deux pour dégager". Deux ans après la catastrophe, l'angoisse est toujours bien présente. "C'est un peu la roulette russe. On espère qu'il n'y aura pas un autre gros tremblement de terre parce que je suis à 100 km de la centrale nucléaire. On arrive bientôt au mois d'avril. Ça veut dire que les vents tournent. Ils vont revenir de la mer vers l'intérieur des terres donc s'il y avait un incident à la centrale nucléaire, on a une heure à deux heures pour dégager vite fait de la zone", affirme-t-il.

>>> A lire : Le Japon pense encore au nucléaire

fukushima 930

© REUTERS

"Pas de viande japonaise". Au quotidien, sa vie a changé. Philippe Nibelle a dû modifier son alimentation. "Les restrictions, on se les fait soi-même. Je ne mange pas de viande japonaise. Je ne mange pas de poisson japonais. Je mange des légumes de fermiers que je connais qui font tout pousser sous serre", affirme-t-il. Et dans la région, l'agriculture aussi a dû évoluer. "Presque tout le monde fait pousser sous serre. Certains utilisent les nouvelles technologies en ne faisant pas pousser les légumes dans la terre mais dans l'eau. Ce n'est donc plus en contact avec de l'éventuel césium 137 (molécule radioactive, ndlr). Tout ce qu'on mange est très beau, très propre, très clean. Ça n'a pas de goût", ironise-t-il.

Il dort habillé. A la moindre secousse, les images de 11 mars 2011 lui reviennent en tête. "C'est la panique", assure-t-il. "Il y a un certain traumatisme. Pendant tout le mois de mars il y a deux ans, j'ai dormi tout habillé durant un mois alors que maintenant, on est revenu à des conditions normales. On a baissé les bras parce qu'on ne peut pas vivre constamment avec cette peur, ce n'est pas possible", constate ce professeur de français. Mais évidemment, difficile de manquer cet anniversaire sur toutes les télévision du Japon. "Rien que de regarder les images qu'on voit en ce moment à la télévision, ça vous traumatise. Enfin, on vit avec", conclut-il.