Japon : tout ce qu'il faut savoir sur le rejet des eaux contaminées de la centrale de Fukushima

Fukushima
La centrale nucléaire de Fukushima a commencé à rejeter ses eaux contaminées ce jeudi. © Takuya Matsumoto / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP
  • Copié
Ophélie Artaud avec AFP / Crédit photo : Takuya Matsumoto / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP
Ce jeudi, le Japon a commencé à rejeter les eaux usées de la centrale nucléaire de Fukushima dans la mer. Une opération controversée, qui durera jusqu'en 2050, et qui inquiète les associations environnementales et les voisins du pays du Soleil-Levant. Europe 1 revient sur les enjeux qui entourent ces déversements.

Plus de 1,3 million de mètres cubes d'eau rejetés dans les eaux japonaises d'ici à 2050. Jeudi 24 août, le Japon a commencé à rejeter les eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima, accidentée suite à un tsunami en mars 2011. Une décision controversée, qui doit durer près de 25 ans. Détails de cette opération, risques environnementaux, réactions à l'international... Europe 1 revient sur tout ce qu'il faut savoir autour du rejet des eaux usées de Fukushima.

Comment est organisée l'opération ?

Tout d'abord, l'eau qui sera déversée est celle qui a servi à refroidir les réservoirs en fusion lors de l'accident nucléaire de la centrale de Fukushima, survenu à la suite d'un tsunami le 11 mars 2011. À cela s'ajoutent des eaux provenant des pluies, ainsi que des nappes souterraines. Car 12 ans après la catastrophe, les capacités de stockage de la centrale arrivent à saturation.

L'eau qui sera rejetée est tritiée, c'est-à-dire filtrée et débarrassée des substances radioactives, excepté le tritium. Selon les experts, cette substance radioactive n'est pas dangereuse pour l'environnement ou la santé humaine si sa concentration est très faible. En tout, le Japon prévoit de rejeter plus de 1,3 million de mètres cubes d'eau de la centrale de Fukushima.

Ce plan a été validé début juillet par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui supervise les opérations. L'eau tritiée sera rejetée en plusieurs fois, et ce, jusqu'en 2050. Pour cette première opération, débutée ce jeudi matin à 13 heures (heure japonaise), 7.800 mètres cubes seront rejetés, le tout sur une durée de 17 jours. Aussi, la teneur d'eau tritiée dans les rejets en mer quotidiens n'excèdera pas 500 mètres cubes. L'eau sera très diluée, de sorte que son niveau de radioactivité ne dépasse pas 1.500 becquerels (Bq) par litre. Un niveau 40 fois inférieur à la norme nationale japonaise pour l'eau tritiée alignée sur la norme internationale (60.000 Bq/litre), et par ailleurs environ sept fois inférieur au plafond établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l'eau potable (10.000 Bq/litre).

Y'a-t-il des risques sanitaires ou environnementaux ?

Logiquement, l'annonce du rejet de ces eaux contaminées en mer a fait largement réagir. Outre les pays voisins du Japon, pêcheurs locaux, restaurateurs et organisations environnementales s'inquiètent des possibles conséquences sur l'environnement et la santé. Si l'eau a été traitée une première fois, seul reste le tritium, impossible à retirer avec les technologies existantes. Cette substance peut effectivement être nocive si elle est inhalée ou ingérée en grande quantité, ce qui ne devrait pas être le cas avec les eaux de Fukushima, qui seront rejetées de manière progressive.

Si la communauté scientifique reste divisée sur ce sujet, jeudi, l'AIEA a présenté ses "données de surveillance depuis le Japon sur le rejet de l’eau traitée à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi". Selon l'organisme, lors de l'examen de sûreté des eaux traitées, "l’AIEA a conclu que la démarche adoptée par le Japon et ses activités de rejet de l’eau traitée sont conformes aux normes internationales de sûreté pertinentes. Le rapport a indiqué que les rejets contrôlés et progressifs de l’eau traitée dans la mer, tels qu’ils sont actuellement planifiés et évalués par la TEPCO [la société d'électricité japonaise propriétaire de Fukushima, NDLR], auraient un impact radiologique négligeable sur la population et l’environnement".

L'AIEA assure également poursuivre un "examen impartial, indépendant et objectif de la sûreté du rejet par le Japon de l’eau stockée à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi". Aussi, de l'eau contenant du tritium est régulièrement rejetée en mer par des centrales nucléaires, et ce dans le monde entier.

Pourquoi la population et les pays voisins du Japon sont-ils inquiets ?

Alors que les organisations environnementales, comme Greenpeace, accusent le gouvernement nippon de minimiser les risques de pollution radioactive, les pêcheurs locaux s'inquiètent pour l'avenir de leur métier. Ils ont notamment peur de ne plus parvenir à vendre leurs produits de la mer, que ce soit au Japon ou dans le reste du monde.

Cette décision inquiète la Chine, qui dénonce, au premier jour de cette opération, un acte "égoïste et irresponsable". "L'océan est le bien commun de l'humanité. Le déversement imposé dans la mer de l'eau contaminée issue de la centrale nucléaire de Fukushima est une action extrêmement égoïste et irresponsable qui ne tient aucun compte de l'intérêt public international", a notamment indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué.

Immédiatement, ce jeudi, la Chine a également décidé de suspendre toutes ses importations de produits de la mer du Japon. Cette décision, prise au nom de "la sécurité alimentaire", vise à "prévenir les risques de contamination radioactive causés par le rejet en mer des eaux contaminées", ont indiqué les Douanes dans un communiqué.

Si l'inquiétude est moins grande du côté de la Corée du Sud, qui a soutenu l'opération, le pays demande tout de même au Japon de "publier de manière transparente" les données sur l'impact des rejets de l'eau de Fukushima "durant les 30 prochaines années". "Je demande au gouvernement japonais de publier les informations sur les rejets de manière transparente et responsable sur les trente prochaines années", a déclaré jeudi le Premier ministre sud-coréen Han Duck-soo, tout en dénonçant les "fausses informations" et la démagogie à propos de la décision du Japon. Mais dans le pays, plusieurs manifestations ont été organisées pour dénoncer cette opération. Une dizaine de personnes ont notamment été arrêtées ce jeudi matin pour avoir tenté de pénétrer dans l'ambassade du Japon à Séoul.

Trois autres déversements des eaux contaminées de Fukushima, avec des volumes équivalents, devraient avoir lieu d'ici au mois de mars 2024.