Crimée : la Russie déjà (presque) chez elle

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FAIT ACCOMPLI - Alors que la péninsule s’apprête à voter son possible rattachement à la grande puissance, comment la Russie se prépare-t-elle à avoir un nouveau territoire ?

L’INFO. Plus que quelques jours avant le référendum tant contesté. Le 16 mars, les deux millions d’habitants de Crimée se prononceront pour leur rattachement ou non à la Russie. Kiev, qui n’enverra pas l’armée pour empêcher le référendum, semble résignée à abandonner cette région séparatiste à Vladimir Poutine. La Fédération russe a en tout cas préparé le terrain pour accueillir un nouveau territoire.

Depuis plusieurs semaines, la province est de facto sous contrôle russe. Près de 30.000 soldats sans insigne, dont on soupçonne qu’ils obéissent à Moscou, surveillent les grandes villes et les points stratégiques, comme le siège du gouvernement local ou encore les nœuds de communication.

Les routes. Très rapidement au début de la crise en Crimée, le seul aéroport civil, à Simféropol, a été pris par ces soldats. Aujourd’hui, plus aucun vol ne relie la région au reste de l’Ukraine. Les passagers n’ont plus qu’une seule destination possible : Moscou. Un milicien, interrogé par l’envoyé spécial d’Europe 1, justifiait ce blocage en mettant en avant des questions de sécurité. "On ne sait jamais ce qui peut arriver avec tous ces jeunes qui viennent de Maidan", affirme-t-il.

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Difficile également de quitter la Crimée par la terre. Des deux côtés de la "frontière", les deux routes sont barrées par des checkpoints gardés, où des observateurs européens ont notamment été empêchés d'entrer. Quant au trafic ferroviaire, le nombre de train ainsi que le nombre de tickets disponibles a été limité.

Le pain et l’eau. L'Ukraine continue à pourvoir la Crimée en eau et en électricité. La région dépend presque totalement de Kiev pour ses approvisionnements. Pour autant, selon Irina Dmytrychyn, l’Ukraine "n’osera jamais fermer les robinets. On l’accuserait de préparer une catastrophe humanitaire, c’est humainement inacceptable", explique à Europe 1 la maître de conférences à l’Inalco, responsable de la section ukrainienne. Jean Radvanyi, également chercheur à l’Inalco, abonde : "Si l’Ukraine fait un blocus, cela aura pour conséquence immédiate : un blocus total de la Russie pour son gaz."

De son côté, Dimitri Medvedev, le Premier ministre russe, a annoncé la construction d’un pont pour faciliter le passage au-dessus du détroit de Kertch et donc faciliter le transport (de marchandises et d’hommes) et le ravitaillement en provenance de Russie. "Le détroit de Kertch fait 7 kilomètres", rappelle Jean Radvanyi. "J’imagine qu’en quelques semaines, avec un peu d’argent et beaucoup d’efforts, on peut poser des tubes, une ligne à haute tension."

Une vie meilleure. Parmi les promesses faites par Moscou aux habitants de Crimée, il y a celle d’une vie meilleure. Selon le FMI, seuls 8% de la population est au chômage en Ukraine, alors que le taux frise les 30 % en Crimée. Sur les pancartes des Criméens favorables au référendum, on peut lire que les salaires et les retraites sont bien supérieurs en Russie, raconte Irina Dmytrychyn.

Actuellement, Kiev maintient sous perfusion l’économie criméenne, mais ce rôle pourrait bien être repris par Moscou, qui a engagé une stratégie similaire dans ses régions séparatistes, comme au Daguestan, en Tchétchénie ou en Ingouchie.

Crimée Référendum

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La nationalité. Dès les premiers frémissements de la crise, la Russie a distribué des passeports aux Ukrainiens russophones de Crimée. Impossible de savoir exactement combien, même si tout laisse à penser que ces largesses n’ont pas été massives. Reste à préciser que Kiev ne reconnaît pas la double-nationalité, justement pour éviter de laisser de la place à Moscou, qui argumente la protection de son peuple pour prendre en main la Crimée.

Le respect des minorités. Les promesses de Moscou ne se cantonnent pas à celles d’une prospérité. Le gouvernement pro-russe donne des assurances aux Tatars, réticents à rejoindre le giron de Moscou. Comme l’écrit Le Monde, la Russie leur fait les yeux doux à coup de ministères, de droits de parler tatar dans les écoles, sans oublier la promesse de 18 millions d’euros pour la population.

Malgré tout, Moscou s’est senti obligé de fermer les chaînes de télévision tatars et ukrainiennes. Sa campagne pro-russe joue sur un tableau assez peu subtil. "Si la Russie était sûre de gagner le référendum, elle ne ferait pas tous ces efforts", conclut Irina Dmytrychyn. Jean Radvanyi se refuse lui aussi à prédire l’issue du scrutin : "Nous sommes dans un jeu d’échecs." Attendons le prochain coup.

Crimée drapeau nazi

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