Un siècle après, la police marseillaise résout l'énigme de la dernière lettre d'un poilu

La lettre du poilu a été lue par Clara, la fille de l'arrière-petit-neveu du sergent Jean Soulagnes.
La lettre du poilu a été lue par Clara, la fille de l'arrière-petit-neveu du sergent Jean Soulagnes. © Nathalie Chevance / Europe 1
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avec Nathalie Chevance et AFP , modifié à
Au terme d'une mobilisation des internautes et de la police, l'arrière-petit-neveu du sergent Jean Soulagnes a été retrouvé à Marseille. La lettre du poilu a été lue en public, vendredi.

"Adieu mon vieux" : un siècle après, la police marseillaise a retrouvé les descendants d'un poilu tué sur le front de la Somme, en 1915. Ici, pas d'ADN, mais la dernière lettre du soldat, et des généalogistes amateurs mobilisés via les réseaux sociaux.

"Un appel suprême" lancé par le poilu. Tout part d'une perquisition, dans le Ve arrondissement de Marseille, dans le cadre d'une affaire de cambriolage : chez le receleur, un sac plastique contenant quelques bijoux anciens, et une lettre, soigneusement pliée. Les derniers mots de Jean Soulagnes, sergent-fourrier au 75e régiment d'infanterie de Romans-sur-Isère, écrits le 27 mai 1915.

Pressentant qu'il n'échappera pas à la mort, le jeune Marseillais de 24 ans écrit "au meilleur, au seul de (ses) amis". À ce camarade, Jean Audiffen, le matricule 3336 lance "un appel suprême" : "Vous ne refuserez pas le pénible service, en cas d'événement grave, d'avertir ma famille et ma fiancée qu'avant de mourir, après avoir donné ma vie au pays, mon âme ne pense qu'à eux". Cette lettre a-t-elle été reçue par l'ami en question?  A-t-elle ensuite été remise à la famille de Jean Soulagnes ? 

La fameuse lettre de Jean Soulagnes.

Le descendant identifié en moins de trois jours. Pour résoudre l'énigme, le policier a fait appel aux réseaux sociaux, via le compte Twitter @PoliceNat13. "L'histoire est d'autant plus poignante", insistait le policier, "que nous avions réalisé, via le site Mémoire des hommes du ministère des Armées, que ce soldat est mort moins de deux semaines plus tard, le 8 juin", à Hebuterne, dans le Pas-de-Calais. En moins de trois jours, le 18 février, un descendant de Jean Soulagnes est identifié par les dizaines de généalogistes amateurs lancés sur la piste. Mais loin de Marseille : Stéphane Drouhot est agent de maîtrise à la SNCF et vit à Venaray-les-Laumes, en Côte-d'Or. Aucune trace n'est en revanche trouvée de Jean Audiffen ou de ses descendants.

"Extrêmement émouvant". Venu à Marseille accompagné de sa femme et de sa fille Clara, 9 ans, Stéphane Drouhot est l'arrière-petit-neveu du poilu décédé. Jean Soulagnes, représentant de commerce dans l'entreprise familiale de peinture de coques de bateaux, n'avait pas eu le temps d'avoir des enfants. "Il m'avait fallu sept ans pour remonter le fil des Soulagnes, cette lignée familiale du côté de ma mère", a témoigné vendredi Stéphane Drouhot, lui aussi généalogiste amateur, lors d'une cérémonie organisée à l'Evêché, le fief de la police marseillaise, au cœur du Panier: "Quand j'y étais enfin arrivé, après avoir cherché tous les Soulagnes depuis Monaco jusqu'aux Pyrénées, ma mère était déjà décédée. Je n'ai jamais pu réaliser son rêve. Pouvoir lire cette lettre, aujourd'hui, cette prose d'un autre temps, c'est extrêmement émouvant..."