Fin de vie : le Dr Bonnemaison de retour devant la justice

Le docteur Nicolas Bonnemaison.
Le docteur Nicolas Bonnemaison. © NICOLAS TUCAT / AFP
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CB avec AFP , modifié à
L'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, acquitté à Pau en 2014 pour avoir abrégé la vie de patients en phase terminale, est rejugé à partir de lundi par la Cour d'appel d'Angers.

Après le Parlement, la "fin de vie" revient devant les juges. L'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, acquitté à Pau en 2014 pour avoir abrégé la vie de patients en phase terminale, est rejugé à partir de lundi. Il comparaît devant la Cour d'appel d'Angers pour sept cas "d'empoisonnement". Lors de son premier procès, le parquet général de Pau avait jugé "nécessaire" de faire appel après l'acquittement. D'où le retour de Nicolas Bonnemaison devant une Cour d'assises, cette fois celle du Maine-et-Loire, jusqu'au 24 octobre.

Qu’était-il ressorti du premier procès ? Passible de la réclusion criminelle à perpétuité, l'ancien urgentiste bayonnais avait été acquitté "de la totalité des faits" en premier ressort en juin 2014. Au nom de l'accusation, l'avocat général avait requis cinq ans de prison avec sursis, tout en reconnaissant que Nicolas Bonnemaison n'était "pas un assassin, pas un empoisonneur au sens commun de ces termes".

La Cour, elle, a estimé que le Dr Bonnemaison avait agi, en 2010 et 2011 dans son unité du Centre hospitalier de la Côte Basque à Bayonne, dans un "contexte bien spécifique". Il s'agissait de patients âgés, incurables, dont les traitements avaient été arrêtés, et même s'il n'a informé ni soignants ni famille, "il n'est pas démontré" qu'il avait "l'intention de donner la mort aux patients" dans le sens du Code pénal.

Durant ce procès, Nicolas Bonnemaison avait reconnu avoir injecté des produits létaux à ses patients, estimant avoir agi "en médecin comme je le conçois", "jusqu'au bout du bout". "On vit des choses fortes avec les patients en fin de vie, des choses qui marquent le médecin", avait-il déclaré.

Quels sont les faits jugés ? Aucune famille des sept victimes, décédées entre mars 2010 et juillet 2011, n'a porté plainte à ce jour. Mais deux d'entre elles se sont constituées parties civiles : Yves Geffroy, fils d'André Geffroy, et les époux Iramuno, fils et belle-fille de Catherine Iramuno.

André Geffroy, 92 ans et Catherine Iramuno, 86 ans, étaient décédés en février et avril 2011. A l’époque, le Dr Bonnemaison leur avait administré de l'hypnovel - une molécule qui calme l'anxiété, accélère l'endormissement et favorise le relâchement musculaire. Une mesure prise sans informer les familles. Des faits dénoncés ultérieurement par des soignants de l'unité où ces patients sont décédés.

Les époux Iramuno attendent du procès en appel "des explications et une condamnation", a indiqué leur avocate, Me Valérie Garmendia. "Il y a un problème entre la motivation de la Cour d'assises, qui n'a pas reconnu l'élément intentionnel, et les propos tenus par M. Bonnemaison à Pau", renchérit Me Thierry Cazes, l'avocat d'Yves Geffroy. "Il a déclaré qu'il voulait soulager la souffrance du père de mon client, l'abréger, y mettre fin. Quelle que soit la sémantique, il y a eu passage à l'acte", estime-t-il.

Comment se déroulera le procès ? Comme à Pau, plus de 60 témoins sont attendus, dont les anciens ministres - tous deux médecins - Bernard Kouchner et Jean Leonetti, pionnier de la loi sur la "fin de vie" et co-auteur de la proposition de loi qui vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale. Une mesure instaurant un "droit à la sédation profonde et continue", un endormissement jusqu'au décès.

Que devient Bonnemaison ? Bien qu'acquitté, Nicolas Bonnemaison a été radié de l'Ordre des médecins en juillet 2014, radiation confirmée quelques mois plus tard par le Conseil d'Etat. Un recours contre cette décision a été introduit auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme. Depuis mai toutefois, il a retrouvé "un poste non médical" dans un service administratif du même hôpital.

L'association de soutien à Nicolas Bonnemaison a recueilli 86.000 signatures et des adhérents viendront le soutenir à Angers, comme Patricia Dhooge, veuve d'une des victimes décédée en 2010, qui dénonce "un acharnement de la justice sur un seul homme, pour servir d'exemple".