Deux ados revenus de Syrie jugés pour terrorisme ?

Un combattant du front Al-Nosra en Syrie.
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avec Benjamin Peter , modifié à
Le père de l’un des jeunes revenus de Syrie estime qu’une telle décision ne ferait qu’accabler les ados, plutôt que de les aider à se reconstruire.

Il pourrait s’agir d’une première en France. Deux ados partis en Syrie en janvier 2014 risquent d’être jugés pour "terrorisme". Ces jeunes scolarisés au lycée des Arènes à Toulouse étaient revenus trois semaines après en France. La famille de l’un d’entre eux ayant alerté les médias et tout fait pour les faire rentrer. A leur retour, ils ont été aussitôt mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Si les juges d’instruction suivent les réquisitions du parquet, ce serait la première fois qu’un tribunal pour enfants juge des mineurs de retour de zone de combats pour "terrorisme". Le père de l’un des jeunes revenus de Syrie estime qu’une telle décision ne ferait qu’accabler les ados, plutôt que de les aider à se reconstruire.

"Il pensait faire de l’humanitaire". Car selon les jeunes suspects, leur départ en Syrie repose sur un malentendu. S’ils ont reconnu durant leur garde à vue que leur périple était préparé de longue date, les ados assurent qu’ils pensaient partir combattre le régime de Bachar Al-Assad et aider les populations persécutées. Il faut dire qu'à l'époque, nous sommes en janvier 2014, l'Etat islamique ne fait pas encore parler de lui, les informations sur la Syrie reposent essentiellement sur les exaction commises par Bachar Al-Assad. "Quand Hakim est parti, il pensait faire de l’humanitaire, venir en aide à des enfants. C’est sur place qu’il a déchanté", insiste Monsieur Ben au micro d’Europe 1.

"Une ambiance pourrie". Car la réalité est tout autre. Les deux jeunes ont rejoint les rangs du groupe djihadiste Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. Ils assurent toutefois ne pas avoir été entrainés à utiliser une arme. Mais reconnaissent avoir participé à des tours de garde, armés de Kalachnikov, dont ils ne savaient pas se servir. Ce qu’ils retiennent de leur périple Syrie, c’est surtout l’ambiance "pourrie" dans leur groupe de francophones et leur condition de vie "à la dure", rapporte Le Monde.

"On ne peut pas prendre comme seuls responsables des gosses". "Mon fils a alors pris son courage à deux mains pour faire le chemin inverse, qui est le retour", rapporte le père de Hakim, qui se désole de voir son fils poursuivi pour terrorisme, alors qu’il mériterait un soutien. "Pour moi c’est une honte, ce n’est pas par la répression, ce n’est pas par la prison, ce n’est pas par le bâton et le fouet que l’on va transformer un âne en cheval. On ne peut pas prendre comme seuls responsables, ou comme coupables, des gosses mineurs de 15 ans", estime-t-il.

"Faire le jeu de la division et de la haine". Selon lui, une telle décision risque de braquer les suspects et de faire le jeu des groupes terroristes. J’espère que la justice réfléchira profondément à la question. Je crois qu’avec ce type de démarches on donne raison à ces extrémistes. Il ne faut pas oublier que ces éléments ont été utilisés auprès des jeunes en leur disant : ‘vous verrez que si vous prenez le chemin du retour, vous finirez vos jours en prison’", rappelle Monsieur Ben.

Ce dernier plaide donc davantage pour un dispositif de réinsertion des jeunes repentis. Et de conclure : "soit on accorde aux jeunes la possibilité de se reconstruire, de façon à ce que leur blessure puisse cicatriser, et qu’ils rebondissent et qu’ils avancent. Soit, on joue le jeu de la division et de la haine et je pense que ce n’est pas le bon exemple."