Achats de votes à Corbeil-Essonnes : les juges ont terminé leur enquête sur Serge Dassault

Les "grands frères des cités" auraient eu pour mission d'aller convaincre les électeurs d'aller voter pour Jean-Pierre Bechter (LR).
Les "grands frères des cités" auraient eu pour mission d'aller convaincre les électeurs d'aller voter pour Jean-Pierre Bechter (LR). © AFP
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avec AFP
Les magistrats soupçonnent la mise en place d'un système passant par les "grands frères" des quartiers pour convaincre les habitants de voter pour le successeur de Serge Dassault.

Les juges d'instruction ont terminé leurs investigations dans l'enquête sur les soupçons d'achat de votes à Corbeil-Essonnes, dans l'Essonne, qui vaut au sénateur et milliardaire Serge Dassault, ex-maire LR de la ville, d'être mis en examen, selon une source proche de l'enquête.

Les magistrats soupçonnent la mise en place d'un "système structuré, pyramidal", passant par "des grands frères des cités" qui auraient eu pour mission d'aller convaincre les électeurs d'aller voter pour le successeur de Serge Dassault et actuel maire de la ville, Jean-Pierre Bechter (LR), en 2009 et 2010, contre des dons, des promesses de logement, de travail ou de rémunération.

Sept autres personnes poursuivies. La clôture de l'enquête ouvre un délai durant lequel les parties peuvent faire de nouvelles demandes d'actes, avant les réquisitions du parquet et la décision finale des juges d'instruction sur un éventuel procès. Serge Dassault, 92 ans, est mis en examen pour "achat de votes", "blanchiment" et "complicité de financement illicite de campagne électorale". Sept autres protagonistes sont poursuivis: Jean-Pierre Bechter, deux ex-adjoints à la mairie Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, Gérard Limat, comptable suisse proche du sénateur, et trois intermédiaires présumés du système, Younès Bounouara, Mamadou Kébé et Machiré Gassama. 

Sept millions d'euros qui posent question. Le milliardaire aux multiples casquettes avait abandonné son mandat de maire après l'invalidation de son élection de 2008 par le Conseil d'État, point de départ de ses déboires. Ceux-ci se sont accélérés quand la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, avait transmis en 2010 au parquet une note sur des mouvements de fonds sur le compte de Jacques Lebigre. Les juges s'interrogent notamment sur quelque sept millions d'euros dont ils soupçonnent qu'ils ont été accordés en vue d'influencer des scrutins électoraux. Lors d'une perquisition au Clos des Pinsons, résidence et QG politique de Serge Dassault à Corbeil, ont été retrouvées deux listes où apparaissent plus d'une centaine de noms, puis des sommes sous des colonnes "payé" et "non payé", ainsi que des commentaires: "soutien sortie détention", "permis de conduire"... Plusieurs témoins ont relaté avoir fait campagne "pour l'argent".

Les scrutins de 2009 et 2010 dans le viseur. L'enquête porte sur les scrutins de 2009 et 2010, remportés par Jean-Pierre Bechter, la cour d'appel de Paris ayant estimé que les faits étaient prescrits pour celui de 2008. Serge Dassault a toujours nié un scénario d'achats de voix, évoquant des dons ou se présentant comme victime d'extorsions de la part d'individus qui auraient voulu profiter de sa richesse. En février, il a été condamné à cinq ans d'inéligibilité et deux millions d'euros d'amende pour avoir caché au fisc, pendant quinze ans, des comptes à l'étranger. Il a immédiatement fait appel de cette condamnation. Mi-juillet, il a annoncé qu'il renonçait à briguer un nouveau mandat de sénateur.