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Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, a fêté ses 93 ans en grande pompe. Ses détracteurs dénoncent aussi le lieu choisi pour les festivités, théâtre d'un massacre historique de l'opposition. 

Une peau de cuir très noire, façon Croco. Des lunettes parfois fumées, souvent cerclées d’or, toujours sévères. Une moustache, en brosse à dent, lui couvrant juste le philtrum : le genre Hitler, pas Charlot. Un timbre de poils comme la coquetterie d’un dictateur d’une autre époque. Son nom fiche la trouille dans toute l’Afrique : Robert Mugabe. Le Libérateur de l’ancienne Rhodésie du Sud Blanche, le Père de l’Indépendance du Zimbabwe Noir, un jeune idéaliste courageux, devenu le plus vieux Tyran du Monde…

Botox, transfusions sanguines et gardes du corps. Du Botox pour combler ses rides, des transfusions sanguines pour se refaire une jeunesse, les illusions d’un vieillard, qui s’endort en pleine investiture d’un Nobel Chinois. Un fossile de la Décolonisation qui ne peut plus faire deux pas, sans l’aide de ses gardes du corps, un vieux radoteur qui prononce exactement le même discours à quelques semaines d’intervalle, un nonagénaire en bout de course suspendu à son pouvoir.

Un pouvoir sourd et aveugle, absolu et implacable que Mugabe exerce depuis 37 ans « Mudhara », le vieux en langue Shona, l’ethnie majoritaire, de cette ancienne colonie britannique, regorgeant d’or, de girafes et d’hibiscus. Le Jardin d’Eden de Doris Lessing, la grande romancière anglaise, Nobel de Littérature, dont l’imaginaire est né là-bas, sur les hauts plateaux de ce pays, longtemps considéré comme le grenier à grains de l’Afrique australe

Le Zimbabwe, pays de misère. Un pays de cocagne, devenu, sous la férule de « Mudhara »,  un pays de chagrins et de misère : 80% de chômeurs, 2 dollars par jour pour manger, le Sida, le cholera, les famines, une espérance de vie moyenne de 50 ans, un Pays de mendiants et de vendeurs à la sauvette. Un peuple qui crève de faim sous les yeux d’un régime qui s’empiffre. Les dollars du cobalt et des dentistes américains flingueurs de lions. Un Zimbabwe en ruine, pourri par la corruption, où l’on bute les opposants. Les enlèvements, la torture, la prison pour les homosexuels et la peau aux éléphants…

Un Zimbabwe matraqué, à la moindre manif,  par une armée « Mugabéenne » formée à la Nord-Coréenne. Des instructeurs tout droit venus de Pyongyang. 11.000 km de distance avec Harare. Une amitié vieille de 30 ans entre Robert Mugabe, alias « Camarade Bob »  et Kim Il Sung, le Père éternel de la Corée du Nord… Le Marxisme et la Révolution au croisement de l’Asie et de l’Afrique.

Robert Mugabe, président du Zimbabwe.

Mugabé, né d'une mère dépressive et abandonné par son père.Robert Gabriel Mugabe, né le 24 février 1924. Un sujet du  Roi George V (la Rhodésie est anglaise). La capitale s’appelle Salisbury. Une case dans un village crée par des missionnaires. Le petit Robert est le 3ème enfant d’une famille de 6. Sa mère est dépressive, très pieuse, son père abandonnera tout le monde, quand Robert aura 10 ans. L’enfant est doué, réfléchi, studieux et très croyant… Il va devenir le chouchou de l’un des jésuites de la mission, un fervent défenseur de l’égalité raciale, qui lui racontera des légendes irlandaises et des histoires de Révolution. Un caractère, une intelligence, une bourse.

Le jeune Robert Mugabe partira étudier en Afrique du Sud, dans la même fac que Nelson Mandela. En 1957, ce sera le Ghana, le 1er pays indépendant du continent africain, qui héberge alors tous les étudiants africains qui rêvent de se débarrasser des colonisateurs blancs. La rencontre avec sa 1ère femme, avec laquelle il aura un fils qui mourra, alors que Robert Mugabe sera en prison. Le leader blanc d’extrême droite Ian Smith, qui dirige alors la Rhodésie lui refusera le droit de sortir pour assister aux funérailles de son fils. Le début de sa haine des blancs.

Pas de réconciliation nationale au Zimbabwe. Dix ans de prison, quelques années dans la guérilla au Mozambique avant de délivrer son pays, en 1980. Mugabe portera alors tous les espoirs d’un pays de près de 10 millions d’habitants à l’époque. 95% de noirs, quelques milliers de fermiers blancs. Le temps de la réconciliation nationale, un temps de paix et de prospérité qui ne durera pas. La mort de sa femme, le mariage avec la suivante, l’actuelle Première dame, de 40 ans, sa cadette… Elle en a 50 ans aujourd’hui, Grace, surnommée « Disgrace, par son peuple, une Imelda Marcos africaine, totalement folle dingue de chaussures. Le début de la Folie de « Mudhara ».

Une télé allumée dans la nuit d’Harare. La retransmission d’un match de cricket, la grande passion du dictateur. Un vieillard assoupi dans un immense fauteuil de soie rouge. À ses côtés : deux lions empaillés. Mugabe n’est pas mort. Il dort.