Jackie Evancho 4:43
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Des centaines de millions de personnes ont découvert le visage de Jackie Evancho vendredi. C'est cette jeune fille de 16 ans qui a été choisie pour interpréter l'hymne américain lors de l'investiture de Donald Trump.

Une jeune vierge blonde offerte sur l’autel d’une Amérique déchirée. Les apparences d’un sacrifice moderne. En vérité, un show parfaitement arrangé par les nouveaux impresarios de la Maison Blanche. Jackie Evancho a 16 ans et demi et quelque chose de céleste venu du fond de sa gorge. La plus jeune soprano du monde, ce qui se fait de plus élevé dans le registre vocal. Une époustouflante Diva, pas encore sortie de l’adolescence, devenue ces dernières années la petite fiancée d’une Amérique Blanche, Chrétienne, Patriote et en colère.

Jackie Evancho, la seule chanteuse à avoir répondu “Yes I will” au nouveau président Américain. Aucune note politique, juste l’envie de chanter pour son pays, selon ses mots d’enfant. La tonalité parfaite, la voix d’un ange, le cœur d’une patriote, le visage d’une poupée.  Le casting idéal pour l’entourage du président-milliardaire. Jackie Evancho, loin d’une Aretha Franklin ou d’une Beyoncé, trop métissées, trop socialistes, trop typées Obama. Jackie, une petite libellule fluette et ambrée, le teint diaphane, les yeux bleus, l’incarnation de cette Amérique Wasp, condamnée à devenir minoritaire d’ici 30 ans.

Jackie Evancho, une enfant de Richland, une banlieue de Pittsburgh, en Pennsylvanie, cette Amérique du milieu, des middle town et des middle class. Celle-là même, qui s’est pris la mondialisation de plein fouet, cette Amérique qui a perdu ses jobs, ses maisons et ses voitures à crédit, cette Amérique qui peine à se soigner et qui n’arrive plus à envoyer ses enfants à l’université. Cette Amérique déclassée qui a voté Trump. Ces millions d’Américains nostalgiques d’un pays, nombril du monde, il y a encore un demi-siècle. Cette Amérique des années 50, faite de Buick et de comics, de burgers et de Corn-Flakes, de pin-up et de mâles dominants, cette Amérique qui produisait les 2/3 des richesses de la planète, que Trump rêve de ressusciter. Une prière. Une voix. L’hymne américain, comme une incantation. Jackie Evancho comme la passeuse d’une illusion. 

Jacqueline Marie Evancho, née au mois d’avril de l’an 2000, une année bissextile, le big-bang informatique n’a pas eu lieu, Clinton est toujours président et Beyoncé déjà une star. Un père dans la vidéo-surveillance, une mère au foyer, une famille aimante et sans problèmes, comme on dit à chaque fois qu’il n’y a rien de remarquable à dire. Les cris d’un bébé. La voix d’une petite prodige qui commence à chanter en voyant Le Fantôme de l’Opéra. Sa mère l’entend et l’inscrit à un concours de talents locaux dont elle terminera 1ère dauphine. Son Ave Maria de Gounod résonnera plus tard dans toutes les chapelles de la Pennsylvanie, avant de faire vibrer toute l’Amérique lorsque Jackie participera à l’Emission America’s Got Talent, le plus grand télé-crochet du pays, dont elle terminera 2ème en 2010. Jackie a 10 ans. Les juges croient rêver, soupçonnent un playback, avant de vérifier et d’applaudir à tout rompre.

Sa voix aussi pure que mature, ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd. David Foster, l’un des plus grands producteurs américains, lui fera aussitôt signer un contrat. Un premier album, des ventes record, un phénomène… Jay Leno, Oprah Winfrey, les cadors de la télé se la disputeront. Depuis Jackie Evancho a enregistré 7 albums, en a vendu des millions, chanté avec les plus grands ténors, Carreras, Domingo, Bocelli, chanté pour le pape François à Philadelphie et même devant Barack Obama, lors d’un Noël à la Maison Blanche. Une grimace des Trumpistes et un “détail” qu’ils préféreront oublier dans la vie de Jackie : Jakob, son grand frère, devenu Juliet, sa grande sœur… Un transgenre, comme on dit.  Pas le genre des fondamentalistes républicains, comme Mike Pence, le vice-président américain, un évangéliste créationniste, bloqué en position missionnaire, qui vomit tout ce qui n’est pas white, chrétien, hétéro et travailleur.

Jackie Evancho s’en contrefiche. Elle aime son frère ou plutôt sa sœur, qui n’était pas là, avant-hier, devant le Capitole pour l’entendre chanter. Jakob ou plutôt Juliet, avait un autre engagement selon un communiqué de la famille Evancho. Ne surtout pas contrarier le client. Le dernier album de Jackie, sorti en octobre, a décollé depuis l’annonce de sa présence à la cérémonie d’investiture du 45ème président. Des ventes multipliées par six en quelques semaines. Espérons pour nos amis américains que ce ne seront pas les seuls bons chiffres de la présidence Trump.