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Chaque jour, la matinale d'Europe 1 revient sur l'un des événements sportifs qui fait l'actualité. Ce vendredi, Virginie Phulpin revient sur l'engagement des Bleus contre les violences policières. Selon elle, il faut arrêter d’imposer aux sportifs leurs sujets d’engagement.

De nombreux sportifs français, et notamment des footballeurs comme Kylian Mbappé et Antoine Griezmann, se sont émus ce jeudi du passage à tabac d’un producteur de musique noir par des policiers à Paris. Ils ont dénoncé le racisme et les violences policières. Pour Virginie Phulpin, on a passé un cap dans l’engagement des sportifs, et c’est rassurant de les voir prendre la parole.  

Les sportifs sont des citoyens comme les autres. On leur a tellement reproché de vivre dans leur tour d’ivoire qu’on ne peut que se réjouir de les voir s’emparer des sujets d’actualité. Les sportifs sont des citoyens comme les autres. Et ils ont le droit d’avoir une opinion et de l’exprimer.

La vidéo du passage à tabac de Michel par des policiers a révolté des millions de gens hier, et les footballeurs en font partie. Kylian Mbappé parle de "violences inadmissibles" et dénonce le racisme, Antoine Griezmann dit qu’il a "mal à sa France".

On doit les écouter parce que leur voix compte comme les autres. On doit les écouter parce qu’ils portent le maillot bleu et qu’ils n’ont pas forcément envie de représenter un pays dans lequel ils ne se reconnaissent plus. On doit les écouter parce que leur parole est rare, très rare, sur les sujets de société et que leurs messages de ce jeudi feront date.

On avait l’habitude de les voir s’engager contre le racisme derrière des slogans importés des États-Unis comme Black Lives Matter. Mais là ils interpellent directement le gouvernement français. On a passé un cap. Ils ont pris conscience de la force et du retentissement de leur parole de sportifs. Marcus Rashford y est sans doute pour beaucoup. Le joueur s’est emparé du sujet des repas gratuits pour les enfants pauvres en Angleterre, il a interpellé son gouvernement et a fait plier le premier ministre Boris Johnson. Aujourd’hui, les footballeurs français s’engagent sans se cacher et oui, ça fera date.  

Il y a forcément du monde pour leur reprocher leur engagement 

De toute façon, s’ils réagissent à un sujet, on leur demande de s’occuper de leurs matches. Et s’ils ne le font pas, on leur reproche de s’en moquer. Là, il y a eu une réaction naturelle de citoyens et de sportifs qui ont ressenti le besoin de crier leur colère et d’aller plus loin que d’habitude en interpellant le gouvernement.

L’engagement des sportifs, pour être audible, doit venir directement d’eux, et pas être préfabriqué. Et c’est ce qui se passe en ce moment. Contrairement à ce qu’on a vu après l’assassinat de Samuel Paty par exemple. La fédération française de football avait tourné un spot avec des joueurs de l’équipe de France pour rappeler l’importance de l’école et de la liberté d’expression. L’intention était louable, évidemment. Mais c’était un peu artificiel, les joueurs récitaient leur texte. Ça ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas d’accord avec le message. Mais il ne peut pas y avoir d’injonction à réagir, parfois ils peuvent aussi ne pas trouver les mots.

Ce jeudi, ils ont choisi eux-mêmes de s’engager, et c’est beaucoup plus naturel par exemple que l’étiquette "black blanc beur" qu’on a voulu coller à l’équipe de France en 1998.