EDITO - "Quand vous êtes une sportive ou un sportif de renom, on ne vous laisse pas le choix, il faut s’exprimer"

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Entre l'épidémie de coronavirus et les questions de racisme soulevées par la mort de George Floyd aux Etats-Unis, les sportifs ont eu l'occasion de faire connaitre leurs opinions sur plusieurs sujets de société depuis plusieurs semaines. Mais cet engagement suscite parfois des commentaires négatifs.

Aujourd’hui, les sportifs s’expriment de plus en plus sur les sujets de société : le racisme, le Covid-19 et le confinement, sur tout. Pour vous, il faut faire attention, on ne peut pas non plus les pousser à avoir une opinion sur tout ce qui se passe dans le monde.

On découvre nos sportifs en tant que citoyens. Oui, ils peuvent avoir des opinions, et s’engager directement au-delà des traditionnelles oeuvres de charité. On a vu des joueuses et des joueurs de rugby prêter main forte au personnel hospitalier au plus fort de la pandémie. On voit aujourd’hui beaucoup de sportifs mettre un genou à terre pour demander justice pour George Floyd. Et ce qui est très nouveau c’est qu’une organisation comme la FIFA encourage les footballeurs à faire ces gestes alors que jusque-là elle interdisait toute expression politique au sens large sur le terrain. C’est un changement positif, les sportifs ne craignent plus de s’exprimer.

Il n’y a pas si longtemps, pour parler du racisme par exemple, Lilian Thuram était quasiment le seul interlocuteur. Sinon c’était bouche cousue pour la plupart. C’est très bien qu’on les sente investis, qu’on se rende compte qu’ils ne sont pas dans leur tour d’ivoire à se préoccuper uniquement de leurs résultats.

Mais je ne voudrais pas non plus qu’ils se sentent obligés d’avoir une opinion sur tout et de la clamer urbi et orbi. C’est le problème aujourd’hui, on se doit d’avoir une opinion sur tous les sujets, et quand vous êtes une sportive ou un sportif de renom, comme votre voix porte, on ne vous laisse pas le choix, il faut s’exprimer. 

En plus, quelle que soit la prise de position des sportifs, ils sont toujours critiqués. 

Ils sont perdants à tous les coups. S’ils ne donnent pas leur opinion, on leur reproche de ne pas s’intéresser au bas monde, et s’ils s’expriment, ça ne va pas non plus. Après la mort de George Floyd, Lewis Hamilton a violemment critiqué ses collègues de Formule 1 pour leur silence. Charles Leclerc s’est excusé en expliquant qu’il ne se trouvait pas forcément légitime pour prendre la parole. Je comprends tout à fait que Lewis Hamilton veuille parler de l’énorme problème d’absence de diversité en F1. Mais je ne suis pas sûre que d’obliger les autres à s’exprimer soit une bonne méthode.

Prendre la parole à tout prix, ça amène le boxeur Tony Yoka à encourager les manifestants à tout brûler. A force de se sentir obligés d’intervenir, les sportifs peuvent déraper. Et puis ça ne convient jamais. Quand Kylian Mbappé a publié un post après la mort de George Floyd, les réactions c’était : "et la France alors, tu as oublié que tu viens de Bondy ?". Après il a publié un dessin sur les violences policières en France. Et là "tu mélanges tout, reste à ta place". Franchement, il y a de quoi devenir dingue.

Et si on les laissait plutôt s’exprimer sur ce qu’ils veulent, sans chercher à avoir leur avis sur tout et sans en faire forcément des leaders d’opinion ? Kylian Mbappé est un citoyen, il a le droit d’avoir un avis, heureusement. Mais on ne peut pas non plus lui demander d’être notre Emile Zola du 21ème siècle.