Mai 68 : une aubaine marketing et une machine à fric

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Chaque jour, Nadia Daam vous présente son coup de patte personnel.

Là, c’est bon, on est bien au courant : on commémore Mai 68. Pas une radio, pas un journal, pas une émission TV qui  n’évoque le cinquantenaire du mouvement social, en fait le bilan, la critique et qui fait parfois intervenir ses figures historiques.

Et tant mieux, après tout. C’est toujours un peu de notre temps de cerveau disponible non irrigué par des informations capitales comme le fait que la poule adoptée par Emmanuel Macron a pondu ou que Christine Angot est visiblement toujours sous-dosée en Euphytose.

En revanche, on n’escomptait ni n’espérait que mai 68 devienne une aubaine marketing et une machine à fric. Car faut-il le rappeler ? Mai 68, c’était un mouvement de contestation sociale et politique mais aussi un refus de la société de consommation, même si l’expression "société de contestation" n’est apparue qu’après Mai 68, sous la plume du philosophe Jean Baudrillard.

Et c’est toute l’ironie de la chose, alors que Mai 68 ambitionnait de détruire les fondements du capitalisme, Mai 68 est devenu un label, une marque, un accessoire à la mode.

Au sens strict du terme. Puisqu’en février lors de la fashion week parisienne, Dior a entièrement dédié sa collection de prêt-à-porter automne hiver à 68 avec des vêtement brodés de slogans de manifs étudiantes. Dior qui appartient à Bernard Arnault, ce dangereux trotskyste.

Cette récup s’illustre également dans la vente aux enchères des affiches réalisées à l’époque, gratuitement par des étudiants des beaux-arts, et qui s’arrachent aujourd’hui dans les salles de ventes aux enchères pour des sommes pouvant grimper jusqu’à 3.000 euros.

Les bourses les plus modestes pourront s’offrir pour une vingtaine d’euros l’un des nombreux t-shirt floqués de slogans ou de dessins de mai 68, comme ce t-shirt orné du célèbre dessin d’un CRS qui brandit une matraque, dont la fiche technique du site Spreadshirt qui le commercialise précise qu’il s’agit "d’un T-shirt simple et féminin, 100% coton. Un basique à porter en toutes occasions". Pour quelques euros de plus, les vétérans de 68 pourront eux s’offrir un t-shirt "Mai 68 j’y étais". Même si, si vous étiez sur les barricades à 20 ans, aujourd’hui  vous en avez 70 ans et avez davantage de chance de porter un maillot de corps en thermolactyl qu’un t-shirt.

Les marques n’ont d’ailleurs pas attendu le cinquantenaire pour sucer mai 68 jusqu’à la moelle. En 2008, l’épicerie de luxe Fauchon commercialisait son thé "Mai 68" au "délicat parfum de révolution" à 15 boules les 100 grammes. La même année, le groupe de restauration Flo propriétaire de Bistro Romain ou Hippopotamus, communiquait également sur le fait que leur première brasserie avait ouvert le 30 mai 68 rive droite, loin de la clientèle bourgeoise. La gauche prolétarienne ignorait qu’elle devait tout à l’onglet échalotes de chez hippopotamus.

Passer l’histoire à la machine du marketing et du cynisme, ça n’est malheureusement pas nouveau ni réservé à 68. Ainsi, il existe une marque de vêtement baptisée "l’affaire de Rufus", un concept store Commune de Paris, et même un restaurant Rosa Parks, (figure emblématique du mouvements des droits civiques aux États-Unis).

Si on continue comme ça, dans 50 ans, on aura une "collection capsule Chanel hausse de la CSG", une chaine de fast food Les insoumis et des salles de sport Christophe Castaner, et on l’aura bien cherché.