Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
A Paris, sur le parvis de l’hôtel de ville, depuis la semaine passée, on plante une forêt urbaine.
Une promesse de campagne d’Anne Hidalgo, lors de la dernière campagne électorale pour les municipales, en 2020, elle allait planter 170 000 arbres dans Paris, dont une forêt urbaine sur le parvis de l’hôtel de ville. On se souvient d’un visuel parfaitement ridicule qui avait été diffusé par les équipes de la candidate, on y voyait une mairie noyée dans la verdure, disparaissant derrière des troncs centenaires. Rachida Dati, opposante d’Anne Hidalgo, s’était beaucoup moquée de cette promesse non tenue... Mais voilà. La création de notre mini-Brocéliande urbaine est en cours.
Autant vous le dire, on ne va pas s’y perdre. Si on est charitable, on va appeler ça un bosquet. La forêt urbaine de l’hôtel de ville va se résumer à 150 arbres dans des plate-bandes de part et d’autre de la place.
Le terme de forêt vous agace.
Au-delà de m’agacer, il est faux. C’est un élément de marketing repris sans discernement par les politiques et les médias. On commence à parler de forêt à partir d’un km carré d’arbres adultes et on parle d’un écosystème... La “forêt” de la mairie de paris fait 1000 mètres carrés. On a dû se résoudre à planter des arbres sur les côtés de la place, parce que dessous, il y a un parking, avec des galeries techniques, des conduites diverses, des câbles et des métros.
Vous ne donnez pas cher de l’écorce de cette forêt.
On est en train de planter à la grue des arbres déjà grands, ce qui limite leurs chances de survie selon les spécialistes. Il y a là des arbres qui ne sont pas adaptés à la vie urbaine, des chênes, des essences exotiques... dont le site des arbres de la mairie de Paris dits lui-même qu’ils résistent mal dans cet à environnement. Un arbre en ville, vit au maximum, 80/90 ans. Il y a fort à parier qu’il ne les atteindront pas, tout simplement parce qu’ils sont si serrésqu’ils n’ont pas la place pour développer des racines suffisantes. Il faut autant de place sous terre que l’arbre n’en déploie de ramure.
L’objectif n’est pas de les voir vraiment durer. La maire de Paris a choisi de créer effet “ wow” éphémère, préélectoral. Triomphe du decorum à 6 millions d’euros. Ca fait cher l’Amazonie de poche.
La forêt , c’est un mythe, un idéal... On se trompe de cible en convoquant la forêt quand on veut végétaliser la ville.
Oui : on aura beau aligner les chiffres, les 170 000 arbres, les 200 000 arbres, pourquoi pas, c’est de la poudre aux yeux. Un arbre, ce n’est pas un arbuste. Ce n’est pas une grosse plante en pot. Un arbre, par définition, fait au moins sept mètres de haut. Dommage de se focaliser là dessus. Végétaliser la ville, c’est essentiel, c’est un moyen de la rendre plus résistante aux chaleurs, de faire baisser les taux de particules fines. Il y a de nombreuses autres manières végétales efficaces d’y parvenir, via les toits, via les murs. Aligner les arbres comme des gadgets, des trophées, c’est spectaculaire , mais ca reste de l’écologie en bois, celui dont on fait les flutes.