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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Une affirmation  vous a fait réagir. Elle est tirée de l’interview qu’a donnée, lundi à la chaîne parlementaire Marie Toussaint,  tête de liste écologiste pour les élections européennes.

On l’interroge sur de nombreux sujets, et notamment sur la crise agricole. Ce que propose Marie Toussaint pour remplacer le glyphosate, c’est ce que mes grands-parents agriculteurs appelaient “ le moteur à soupe”. C’est à dire, le désherbage à la binette, en subventionnant la main d’œuvre plus que les surfaces.

Ce n’est pas une bonne idée ?

Ca dépend quelle agriculture on veut. Si on rêve de ce qu’elle était avant la première guerre mondiale, où elle reposait  sur la force de travail, c’est une excellente idée. A ceci près que les paysans, en 1914, étaient 30 millions. 40% de la population. Sans compter les enfants, dont le travail était la norme. Aujourd’hui, les agriculteurs sont 1.5% des actifs.
En 1914, la population agricole finissait sa vie brisée à force d’être courbée pour désherber. Cette colonne vertébrale voutée à l’extrême, on appelle ça la plicature champêtre. Cette maladie a disparu avec le progrès agricole. Personne n’a envie de voir revenir.

Techniquement, c’est possible de se passer du glyphosate en désherbant à la main ?

Quand cela est possible, on se passe déjà de glyphosate. Dans le maraîchage, parce que les surfaces sont petites. Partout où on a pu mécaniser. Mais il y a encore beaucoup de cas où on ne sait pas faire. Les céréales, par exemple... 9 millions d’hectares. Pour les désherber à la main, il faudrait des millions de Français aux champs avec une petite bêche et beaucoup de courage. On peut déjà chercher les volontaires. Conséquence prévisible : une flambée délirante des prix de la nourriture.

Marie Toussaint a raté un épisode ?

Oui ! Le futur de l’agriculture est bien plus excitant que la vie de Jacquou le croquant. De la robotisation. Des biotechnologies de sélection variétale. De l’intelligence artificielle pour améliorer l’agronomie, prendre soin des sols, de la biodiversité, limiter les émissions de carbone et s’adapter au changement climatique.

Il va falloir de la main d’œuvre. Mais il va surtout falloir de l’intelligence, du talent, de l’innovation. L’agriculture doit renouveler la moitié de ses 450 000 paysans d’ici à 2050. On a mieux à proposer aux jeunes qu’un travail de désherbage manuel subventionné.

C’est une image d’épinal qui fait plaisir à quelques bobos qui confondent leurs dimanches au potager avec le métier agricole de nourrir un pays. Il y UNE preuve que le mythe du désherbage manuel à l’échelle du pays n’est pas une bonne solution. C’est que personne n’a envie de cette vie là, de ce métier là, répétitif et asservissant pour lui-même, ou pour ses enfants.