Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Le décret qui interdit des lignes aériennes quand il existe une alternative de moins de 2h30 en train a été publié au journal officiel hier. Cette mesure était issue de la Convention citoyenne.
Début 2020, la Convention citoyenne avait demandé une interdiction des vols intérieurs quand il existe une alternative ferroviaire de 4 heures. Tollé dans de nombreuses villes de France, qui y voyaient des obstacles pour rejoindre les aéroports parisiens et donc accéder aux vols internationaux. Une relégation.
Alors, le Gouvernement avait transigé : fin des vols intérieurs quand il existe une alternative en train de moins de 2h30. Interdiction officialisée hier. Le ministre des Transports Clément Beaune a salué “un symbole fort dans la politique de réduction des émissions des gaz à effet de serre”. Sans doute un peu survendu : ces lignes représentaient 0.3% des émissions de l’aviation commerciale française. Mais soit.
Pourquoi cela ne va rien changer concrètement ?
Là aussi, la révolution est un peu survendue. Concrètement, la mesure concerne trois lignes en France, au départ de Lyon, Bordeaux et Nantes, et à destination d’Orly. Il y a un moyen d’aller à Paris depuis ces villes en deux heures. Mais dans les faits, ces vols n’existent plus depuis la crise covid. Ça fait trois ans que les lignes sont fermées, elles n’ont jamais rouvert. C’était une des exigences de l’État pour renflouer Air France.
Air France qui était en fait bien content de s’en être débarrasser. La concurrence a déjà fait le job. Les TGV les avait dépouillées de leur clientèle, elles perdaient beaucoup d’argent.
Ces lignes étaient d’autant moins utiles qu'il n’y a plus de correspondances long courrier à Orly pour les Antilles ou le reste du monde. Tout part de Roissy, l’autre aéroport parisien. La disparition de ces lignes ne prive donc pas grand monde.
Reste Roissy-Charles de Gaulle. Quelles lignes intérieures sont appelées à fermer?
Aucune
Magie de l’affaire. Les liaisons en train entre Nantes et Bordeaux d’une part et Roissy d’autre part durent plus de deux heures et demi. Donc, la liaison aérienne perdurera.
Et Lyon-Roissy qui se fait en deux heures en train, la ligne Air France devrait logiquement fermer ! Que nenni. Parce que l’alternative en train ne couvre pas des horaires suffisants pour accéder aux vols de nuit. Et donc, la liaison aérienne va rester. Et là, clairement, c’est gonflé, il aurait sans doute fallu un peu de courage.
Cela dit, cette histoire est riche d’enseignements. Les exigences de la Convention citoyenne ne peuvent être remplies, s’il y a des alternatives écologiques qui ne donnent pas le sentiment aux utilisateurs d’être punis. Ça interroge, au passage, sur la position de nos verts sur la ligne à grande vitesse Bordeaux Toulouse. Ils la refusent, car elle est “ inutile et couteuse”, selon eux. Pourtant, elle mettrait Toulouse à 3h de Paris en train au lieu de 5h30.
3h. Sans doute ce qui dissuaderait le plus sûrement les Toulousains de prendre l’avion sans même qu’on ait besoin d’interdire les vols. C’est ce qu’on voit sur Paris Marseille, 3h15 ou 3h30. Une vraie concurrence entre les modes de transport s’est créée. En additionnant practicité et facteur CO2, les voyageurs sont capables d’arbitrer. Et l’avion est loin d’en sortir gagnant.