Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
On pourrait en faire un tour de France. Le tour de France des élus qui pensent que l’argent public coule toujours à flots. Votre étape du jour s’arrête à Rouen.
A Rouen, la ville et la métropole, dirigées toutes deux par l’élu socialiste Nicolas Mayer-Rossignol. On voit grand, à Rouen. On a de grands projets. Pour le 14 juillet, on envisage un spectacle qui claque. Une heure et demie, avec aux manettes Thomas Jolly et Thierry Reboul, qui ont piloté les cérémonies des Jeux olympiques de Paris. Petit détail, qu’ont appris les élus locaux le 12 mai dernier. Il faut des sous. Budget total, 11 millions d’euros. Dont cinq financés avec de l’argent public par la ville et la métropole.
C’est énormément d’argent.
Que voulez-vous, c’est le prix du rayonnement de la ville, selon les élus promoteurs du projet, qui y travaillent depuis le mois de décembre. Ils espèrent même signer un partenariat avec TF1 pour diffuser le show. La folie des grandeurs.
Mais les élus d’opposition s’étranglent. D’une part, parce qu’ils n’ont jamais voté pour le projet, déjà bien avancé, et qu’on voudrait leur faire valider tout ficelé... D’autre part parce que les finances de la métropole sont dans le rouge. Elle est endettée, 604 millions d’euros sur un milliard de budget, au-delà des seuils d’alerte. Et vu les investissements nécessaires, ça ne va pas s’arranger. La dette pourrait atteindre le milliard en 2028.
Et en plus, la métropole doit se serrer la ceinture, comme toutes les collectivités territoriales !
En novembre dernier, alors que la Nation entière était en train de se demander comment la France parviendrait à avoir un budget, les élus de Rouen et de sa métropole étaient allés jusqu’à suspendre leurs écharpes aux grilles de la préfecture. Révoltés des efforts financiers qu’on leur demandait.
"Entre les recettes supprimées et les dépenses rajoutées par l'Etat, c'est 18,2 millions d'euros en moins sur lesquels la Métropole pourra compter", râlait l’un d’eux. Et d’évoquer comme d’habitude, la litanie des projets menacés : écoles sacrifiées, petits vieux abandonnés et les fameuses crèches qu’il allait falloir fermer. “C’est un scandale d’Etat, hurlait Nicolas Mayer Rossignol, le maire de la ville et président de la métropole. Il avait été jusqu’à déclarer : "C'est injuste de faire retomber cela sur les collectivités qui ne sont pas responsables de ce déficit de l'État", ce qui a posteriori, et vu le projet pharaonique à 5 millions qu’il projetait dans le même temps, ne manque vraiment pas de culot.
Quelle conclusion tirer de tout cela ?
Il y en a plusieurs : et aucune à l’avantage des élus à la tête de la métropole de Rouen. Soit ils n’ont aucune conscience de la réalité budgétaire de la France, et ils pensent que la fête de l’argent magique continue. Et c’est irresponsable. Soit ils estiment que leurs électeurs ont des mémoires de poissons rouges et qu’on peut leur faire avaler des discours radicalement différents à quelques mois d’intervalle et c’est insultant. Soit ils estiment pouvoir faire payer aux générations futures les millions de leurs glorioles et de leur soif de paillettes, et c’est d’une incroyablement cynique.