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Chaque matin, Etienne Lefebvre décrypte l'une des actualités économiques marquantes du jour.

C’est un sujet qui fait beaucoup fantasmer. Combien coûte la fraude sociale ?

On a enfin un chiffre assez précis. Entre 7 et 9 milliards d’euros. C’est la nouvelle évaluation que viennent d’établir les Urssaf. Elle a été un peu revue à la hausse depuis deux ans, d’un milliard environ. Alors c’est beaucoup bien sûr, mais ça reste loin des estimations précédentes de la Cour des comptes, jusqu’à 25 milliards. Et surtout cela représente seulement 2% de l’ensemble des cotisations sociales. La fraude aux cotisations, c’est principalement le travail au noir. Des salariés non déclarés, des heures oubliées, des travailleurs détachés hors des clous. Et ça exaspère les PME qui jouent le jeu. Bien sûr, les comptes sociaux iraient beaucoup mieux si cet argent était récupéré. Mais il n’y a pas non plus de trésor caché.

En quoi ces chiffres sont-ils plus fiables que les autres ?

C’est vrai que la fraude, par essence, on ne peut pas la mesurer à l’euro près. Et c’est pour cela qu’il y a toujours une bataille de chiffres, on a notamment le syndicat des impôts qui parle de 100 milliards pour l’ensemble de la fraude fiscale, mais ce sont des extrapolations pas très fiables, parce qu’on part du résultat des contrôles, qui sont ciblés sur les cas suspects.

Là, c’est plus solide, parce que depuis dix ans, les Urssaf font des contrôles aléatoires secteur par secteur. Avec toutes les tailles d’entreprises, toutes les régions. L’an dernier, on a ainsi mesuré que 9% des garages fraudaient, un peu ou beaucoup, l’année d’avant c’était 20% des cafés-restaurants. Cette méthode fait des émules : l’Insee va l’appliquer à la fraude fiscale des entreprises. On va peu à peu faire la vérité des chiffres.

C’est bien joli de chiffrer la fraude potentielle, mais est-ce qu’il y a des sanctions ?

Oui, la fraude est de mieux en mieux détectée. Les Urssaf ont fait plus de 600 millions d’euros de redressements l’an dernier, c’est un record. La traque s’intensifie car il y a de plus en plus d’inspecteurs, et avec l’intelligence artificielle, les croisements de fichiers, on cible de mieux en mieux les contrôles. Le problème, c’est qu’on récupère très peu d’argent, à peine 50 millions chaque année ! Parce que les entreprises disparaissent, ce sont des coquilles vides, ou elles se déclarent en faillite. Avec l’aide du fisc, la Sécurité sociale tente aujourd’hui de saisir plus vite les biens des fraudeurs. Mais l’effet principal, ça reste la dissuasion. Et ça marche, car croyez-moi, les entreprises qui ont pignon sur rue redoutent les contrôles Urssaf !