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François Clemenceau revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.

L’Afrique devient une zone de libre-échange, c’est historique !

44 pays africains ont signé hier lors d’un sommet extraordinaire de l’Union africaine un Traité de libre-échange à l’échelle du continent. Le défi maintenant consiste à le faire fonctionner.

Et pour commencer, il va falloir que chacun des 44 pays fasse ratifier par son parlement ce texte extrêmement ambitieux. Ce ne sera pas si facile, d’autant que 11 autres pays d’Afrique n’ont pas signé le traité et que celui qui possède la plus grosse économie du continent, le Nigéria, a décidé de faire faux bond à la dernière minute. Pour comprendre les réticences des frondeurs et des sceptiques, il faut bien comprendre qu’une zone de libre-échange, c’est comme l’Union européenne, le Mercosur en Amérique latine ou l’Asean en Asie, c’est-à-dire que les barrières douanières sont levées pour les marchandises et les services. Or nombre d’États africains, notamment ceux qui sont dotés d’infrastructures portuaires, préfèrent remplir les caisses de l’État avec les droits de douane ou de transit plutôt que de diversifier leurs économies et chercher des débouchés à l’export.

Mais là, on parle bien d’exporter à l’intérieur du continent africain ?

Oui, il faut se rendre compte que l’Afrique importe plus des trois quarts de ses biens et denrées à l’extérieur du continent. Cette culture de l’importation lointaine n’a pas contribué au développement et aux innovations. Dans les années 80 et 90, les grands ensembles régionaux d’Afrique ont fini par créer des petites zones de libre-échange, en Afrique de l’Est, en Afrique de l’Ouest ou en Afrique australe. L’Afrique du nord, elle, n’a jamais réussi à en développer de comparables à cause du grand contentieux historique entre le Maroc et l’Algérie puis plus tard à cause des turbulences en Libye. Sauf que si ce traité finit par être ratifié et appliqué, il n’y aura plus qu’une seule zone d’un milliard deux cent millions de consommateurs et on estime que le commerce intra-africain pourra progresser de 60%, ce qui doperait l’économie continentale en générant 35 milliards de dollars supplémentaires.

Mais est-ce qu’on n’assistera pas, comme dans les autres zones de libre-échange, à une économie à deux vitesses, comme en Europe.

C’est le risque bien sûr et il faudra trouver des mécanismes d’équilibre et de concurrence qui ne crée pas plus de distorsions qu’aujourd’hui. Mais c’est aussi une opportunité incroyable pour favoriser les industries locales, les filières agro-alimentaires ou même l’économie numérique qui fait déjà dans certains pays des bonds de géant. Pour y arriver, il faudrait aussi que d’immenses projets d’infrastructures transnationales soient menés à bien : de nouvelles routes, des voies ferrées, des axes fluviaux, ce qui suppose aussi une électrification. Il y a là un immense chantier d’avenir pour le deuxième quart de siècle qui s’annonce. On dit souvent, à tort, que l’Afrique peine à progresser par complaisance. Ce qui vient de se passer démontre tout le contraire.