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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

C’est un signe de plus des tensions entre alliés, de grandes entreprises européennes sont régulièrement sanctionnées aux États-Unis qui ont tendance à considérer que leurs lois sont valables pour le monde entier. La France veut riposter.

Cela fait un moment que l’on s’agace, pour ne pas dire plus, contre des procédures judiciaires américaines visant des fleurons européens. On soupçonne les États-Unis d’utiliser ces procédures pour affaiblir des concurrents voire pour mettre la main sur des secrets industriels. On pense par exemple à Airbus, qui fait l’objet d’une enquête pour corruption et qui, du fait de la loi américaine, est contraint de communiquer au Département de la Justice de Washington une foule de documents internes, d’ouvrir ses ordinateurs etc. On pense à Alstom qui a aussi subi les foudres du système judiciaire américain. Ou encore à Nokia qui chutait en Bourse vendredi à la suite d’une enquête du même genre.

Face à ces procédures, quelle est la riposte ? 

Les services du Premier ministre, de Bercy et du ministère de la Justice travaillent à un texte qui permettrait aux entreprises de refuser de transmettre à une autorité étrangère des données portant atteinte aux intérêts économiques français. Sous peine de lourdes sanctions : deux millions d’euros d’amende pour un particulier et deux ans de prison. De quoi dissuader d’obéir aux injonctions d’une juridiction étrangère. La limite, évidemment, c’est que l’entreprise qui fait l’objet d’une procédure aux États-Unis risque vite de se trouver face à un dilemme: ne pas obéir à la justice américaine et risquer de se voir interdire l’accès à la première économie du monde, ou obéir et du coup se voir sanctionné en France. Pourquoi le gouvernement veut-il quand même légiférer ? Parce que, comme le souligne un rapport qui vient d’être remis à Matignon, la justice américaine est soupçonnée d’être instrumentalisée à des fins de guerre économique. Le rapport en veut pour preuve que la plupart des entreprises visées par des procédures de sanction aux États-Unis sont européennes, il n’y a pas une entreprise chinoise ou russe. 

Paris vise aussi les Gafa, également pour des raisons de guerre économique ?

Effectivement car une loi américaine qui vient d’être adoptée, le Cloud Act, oblige les Gafa à transmettre aux autorités américaines, si elles le demandent, toutes les données stockées à l’étranger, donc y compris lorsque cela concerne des entreprises européennes. Autrement dit, les données que stockent Google ou Amazon sur telle ou telle entreprise française peuvent très bien se retrouver dans les mains de la justice américaine sans même que les entreprises intéressées le sachent! D’où la riposte: la France pourrait taxer les Gafa jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires en cas de transmission de données à une autorité étrangère. La guerre économique passe aussi par le droit. En la matière, les États-Unis ont pas mal de longueurs d’avance et ils en profitent. Il est bon que la France réagisse, ce serait mieux que cela se fasse au niveau de toute l’Europe.