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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Les États-Unis ont déclaré la guerre à Huawei, le fabricant d’équipements de télécoms chinois, accusé d’espionnage. En réalité, c’est le début d’une guerre technologique planétaire ?

La technologie, c’est la nouvelle arme atomique entre les nations. Trump le prouve : en interdisant à Huawei l’accès aux technologies américaines, il a déclenché une guerre planétaire. Il faut bien comprendre l’enjeu : Huawei est le leader mondial de la 5G. Pour développer un réseau 5G comme on a l’intention de le faire en Europe, on a besoin d’équipements fabriqués par ce groupe chinois. Or par un simple décret, Trump vient de priver Huawei d’utiliser des composants américains dans ses équipements, ce qui lui coupe l’accès à tous ses marchés. Cela signifie que nos opérateurs, en Europe, qui comptaient sur Huawei pour développer la 5G ne vont pas pouvoir le faire.

Il n’y a pas d’autres fabricants d’équipements 5G ?

Si, il y a Ericsson et Nokia, notamment, mais ils ne peuvent pas remplacer Huawei du jour au lendemain. On peut tirer plusieurs leçons de cette affaire. La première, c’est que nous n’avons aucune souveraineté technologique : sur un claquement de doigts, le président américain peut nous priver d’une technologie critique. Faisons un peu de politique fiction : si demain Trump décide qu’Airbus ne peut plus utiliser tel ou tel composant américain parce qu’il juge qu’Airbus a bénéficié de subventions publiques qu’il n’aurait pas dû avoir, il peut nous couper l’accès aux marchés étrangers. La deuxième leçon, c’est que Trump n’est pas fou du tout. On commet souvent cette erreur. Mais Trump poursuit une stratégie méthodique vis-à-vis de la Chine. Il veut contraindre Pékin à accepter ses règles, les règles occidentales : protection de la propriété intellectuelle, refus du chantage aux transferts de technologie pour accéder au marché chinois. Ce qui distingue Trump de ses prédécesseurs, ce n’est pas l’objectif, ce sont les moyens : il veut parvenir à ses fins par la contrainte. Ce que n’osaient jamais les autres présidents américains.

Quitte à déclencher l’escalade avec les Chinois ?

Bien sûr mais, avec Trump, la Chine n’est pas en terre inconnue : le régime communiste chinois ne connaît que les rapports de force. On ne gagne pas face à Xi Jinping en jouant sur les valeurs. On gagne par le rapport de force. Les Chinois vont riposter. "La guerre commerciale ne fera que nous endurcir", écrivait ce lundi le Quotidien du Peuple, le journal du parti communiste chinois. La Chine a des moyens de rétorsion. Elle a mis en scène hier une visite du président Xi Jinping dans une mine de terres rares dont la Chine a un quasi-monopole et qui sont une matière première critique pour l’électronique. Bref, chaque camp peut faire très mal à l’autre. Il y aura donc une issue. Trump n’a qu’un objectif: que ce bras de fer débouche sur un rééquilibrage des relations avec la Chine. Il n’est pas impossible qu’il y arrive. C’est un deal maker…