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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la disparition médiatique de Jean-François Delfraissy. Selon lui, Emmanuel Macron n'y est sans doute pas pour rien.

Il a été un pilier de toutes les émissions télé et de toutes les interviews en radio mais, depuis quelques semaines, plus rien : Jean-François Delfraissy a disparu.

Voilà, plus de son, plus d’image, rien. Le Président du Conseil scientifique ne parle plus. Sa dernière intervention publique remonte au 24 mars, au Sénat. Une audition publique à laquelle il ne pouvait pas se soustraire. Mais pour le reste, rien.

Et pour quelle raison ? Est-ce que ce silence lui a été imposé ?

L’hypothèse mérite d’être formulée. Et c’est vrai que pour comprendre ce changement total d’attitude, il faut aller chercher du côté de sa relation avec Emmanuel Macron. Longtemps, elle a été forte, et longtemps le chef de l’État s’est plu à mettre en avant la parole de Jean-François Delfraissy. Il y a un an, celui-ci avait plaidé, avec le Conseil scientifique et la plupart des médecins, pour quelque chose de terrible à assumer politiquement : l’enfermement de tout un pays. À l’évidence, la parole médicale a servi de caution, d’argument-choc pour passer cette première étape. C’est ensuite que la relation s’est dégradée.

Le Conseil scientifique a continué à être très pro-confinement.

Et pas le Président. Déjà, le premier déconfinement est mal passé. À l’automne, le deuxième confinement plus light a provoqué pas mal de remous au sein même du Conseil scientifique. Et tout bascule le 29 Janvier dernier, lorsqu’Emmanuel Macron décide de passer outre tous les avis sanitaires et refuse le troisième confinement. La politique reprend au médical son pouvoir de décider et fait savoir que ce ne sont pas les médecins qui gouvernent. Clairement, à ce moment-là, Jean-François Delfraissy est désavoué. Ni une, ni deux, il ferme ses canaux de communication.

Y compris avec le Président de la République ?

L’Élysée affirme que non. Mais c’est sûr que donner des avis à quelqu’un dont l’entourage vante l’immense connaissance épidémiologique et qui préfère se forger un point de vue par lui-même plutôt que de suivre vos recommandations, ça peut vite devenir lassant. Résultat, le médiatique Professeur Delfraissy a disparu. Et quand le Conseil scientifique qu’il préside est obligé d’émettre un avis, par exemple sur l’organisation (ou pas) en juin prochain des élections régionales, il répond : "c’est une décision qui revient au politique, ne vous abritez pas derrière nous".

En fait, il a botté en touche.

Oui, ce qui devrait au moins poser la question de son utilité à l’avenir. Pour le reste, cette affaire est une formidable illustration du mode de décision d’Emmanuel Macron. Il veut voir tout, il absorbe tout, et une fois informé, tranche seul, le plus souvent en fonction de son instinct, en cherchant une troisième voie. Ça lui a souvent servi, mais l’histoire du quinquennat montre peut aussi réserver quelques mauvaises surprises.