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SAISON 2020 - 2021, modifié à

[1935-1939] Dès 1935, les Windsor s'inquiètent, à juste titre, de l'attitude de David, le futur Edouard VIII. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'Histoire", Jean des Cars vous raconte comment l'abdication de ce dernier a bouleversé la vie d'une famille, d'un pays, et d'une jeune fille, Lilibeth, qui devra un jour monter sur le trône, qu'elle le veuille ou non.  

Le 11 décembre 1936, Albert, duc d'York, succède à son frère, l'éphémère Edouard VIII, sur le trône d'Angleterre. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars vous raconte comment la fille aînée du nouveau roi, la jeune Elizabeth, aborde sa nouvelle vie et son destin de princesse héritière.  

Edouard VIII succède à son père George V

Au printemps et à l’été 1935, Elizabeth et Margaret trouvent que leurs parents ont l’air préoccupé. Elles en ignorent la cause. Ce qu’elles savent encore moins c’est que lors de la célébration du Jubilé d’Argent de leur grand-père, une véritable crise avait éclaté dans la famille royale…  

En effet, dans la cathédrale Saint-Paul, se trouvaient, extrêmement bien placés, Mr et Mrs Simpson. Pire encore, la veille au soir, lors de la grande réception donnée à Buckingham Palace, les Simpson avaient aussi été invités. Et le prince de Galles avait osé présenter Wallis Simpson à ses parents. Tout Londres savait qu’elle était sa nouvelle maîtresse. Le roi et à la reine aussi. George V et la reine Mary sont scandalisés. Wallis Simpson, une américaine divorcée et remariée avec Ernest Simpson, un courtier maritime anglo-américain, avait remplacé depuis quelques mois lady Furness dans la vie du prince Edouard. Et l’héritier du trône était fasciné par la jeune femme déjà divorcée une fois. Son caractère dominateur et ses manières un peu rudes l’ont totalement envoûté, il ne peut plus se passer d’elle. 

Tout cela, Elizabeth et Margaret n’en ont aucune idée. Elles aiment énormément leur oncle David (c’est ainsi qu’elles appellent le prince de Galles) qui vient rendre visite aux York  en voisin, aussi bien à Londres qu’à Windsor. Il chahute avec elles, se met au piano et chante des chansons. Il joue au gin rummy, au jeu des sept familles, vient prendre le thé. L’été, à Balmoral, il organise des pique-niques et invente toutes sortes de distractions. Mais ces temps derniers, il s’est fait plus rare. En dehors du Jubilé d’Argent, la dernière fois qu’elles l’ont vu, c’était à Royal Lodge. Il était venu prendre le thé avec une dame américaine, brune et peu aimable. Papa et maman n’avaient pas l’air enchantés. Il n’étaient pas revenus. Très inquiet, leur grand-père George V dit à l’archevêque de Canterbury et à quelques intimes : "Je prie Dieu qu’il n’y ait aucun obstacle entre Bertie, Lilibeth et le trône. Après ma mort, le garçon se détruira lui-même avant six mois."

Le garçon dont il parle est évidemment son fils, Edouard, le prince de Galles. A la fin de l’année, le roi est fatigué, il souffre de difficultés respiratoires mais ne change rien à ses habitudes. Noël et le Jour de l’An se passent comme chaque année à Sandringham, avec la famille royale au grand complet : les Kent, qui viennent d’avoir un petit garçon, Harry, le duc de Gloucester, les quatre York et le prince de Galles. Ce-dernier est très agité, s’absentant sans arrêt pour téléphoner à Wallis. 

Le roi n’est pas bien, il dort mal. Après le 1er janvier, le couple royal reste seul à Sandringham avec Elizabeth et Margaret dont les parents sont repartis à Royal Lodge. Elizabeth est impressionnée par l’état de son grand-père qui s’endort très fréquemment à table. Le 16 janvier, George V ne peut quitter son lit. Deux jours plus tard, il s’éteint juste avant minuit, après une injection de morphine qu’on lui administre pour adoucir sa fin. 

Le décès du roi George V est un traumatisme pour le Royaume-Uni. Pour Elizabeth et Margaret, c’est la première fois qu’elles sont confrontées à la mort. Il s’agit de leur grand-père qu’elles aimaient profondément. Elles sont horriblement tristes et ne peuvent même pas se faire consoler par leur mère qui est clouée dans sa chambre à Royal Lodge par un pneumonie sévère. 

Leur gouvernante Crawfie interrompt ses vacances pour les rejoindre et tenter de les réconforter. Pour la première fois, les deux princesses vont assister à des funérailles officielles. Entièrement vêtues de noir, coiffées de bérets de velours assortis, elles assistent à l’exposition du corps de leur grand-père dans le Hall de Westminster, ainsi qu’à la messe funéraire célébrée dans la chapelle Saint-George à Windsor. 

Le règne éclair d'Edouard VIII

C’est un nouveau règne qui commence. Edouard VIII succède à son père. Lors de la traditionnelle proclamation du nouveau souverain au palais de Saint-James, Wallis Simpson est au côté du nouveau monarque, regardant la cérémonie depuis les fenêtres. 

Très rapidement, les York vont être mis à l’écart de la vie de cour car Wallis ne les aime pas. Elle a surnommé la duchesse d’York "Cookie" en raison de son léger embonpoint et elle appelle Lilibeth "Shirley Temple". Quant à Bertie, elle se moque ouvertement de son bégaiement…

Le nouveau roi, jeune, beau et séduisant est plutôt populaire. Il a une fibre sociale, il a rendu visite aux mineurs en grève au Pays de Galles et la population britannique n’est pas du tout informée de sa liaison avec Wallis Simpson.

Cet été-là, les York séjournent en Ecosse, à Glamis chez les parents de la duchesse et à Birkhall, une maison du XVIIIe siècle dans le parc de Balmoral, dépourvue d’électricité et de confort mais pleine de charme, car Edouard VIII est à Balmoral avec Wallis qui occupe la chambre de la reine Mary. 

Comme tous les Britanniques, Elizabeth et Margaret ignorent qu’avant de venir en Ecosse, leur oncle et Wallis ont fait une croisière en Méditerranée dont la presse mondiale a publié les photos, sauf les journaux anglais, qui tentent de protéger la Couronne. Aujourd’hui, on a peine imaginer qu’un tel embargo soit possible…  

Dès lors, tout va aller très vite : Wallis demande le divorce et le roi prévient son Premier ministre qu’il a l’intentiion d’épouser la femme qu’il aime et de la faire couronner en même temps que lui l’année suivante. Stanley Baldwin, le chef du gouvernement, le Parlement ainsi que toutes les autorités des Etats du Commonwealth, refusent cette éventualité. La presse révèle enfin le scandale. L’opinion, et même les syndicats, qui étaient alors favorables au roi, se retournent contre lui. Si Edouard VIII s’obstine à vouloir épouser Wallis, il n’a pas d’autre choix que d’abdiquer. Un scandale sans précédent !

Le lundi 7 décembre 1936, le souverain prévient son frère, le duc d’York, de son intention de renoncer à la couronne. Bertie est sidéré, car étant le premier dans l’ordre de succession, il va devoir occuper le trône. Edouard VIII signe son acte d’abdication, en présence de ses frères, le 10 décembre, à Fort Belvédère. Lorsqu’il rentre chez lui, le duc d’York est acclamé par la foule devant sa résidence. ll est bouleversé par l’enthousiasme populaire à son égard. Le 11 décembre, à 13h52, Albert, duc d’York, est proclamé officiellement roi de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sous le nom de George VI, qu’il choisit en hommage à son père.

Le soir, celui qui n’est plus roi mais Son Altesse Royale le duc de Windsor s’adresse au peuple britannique par un discours radiodiffusé depuis le château de Windsor. Il annonce qu’il a abdiqué par amour.

Elizabeth, qui a 10 ans, sait que son sort est scellé. Elle est désormais princesse héritière et elle devra, un jour, succéder à son père. Ainsi s’achève ce qu’on a appelé "l’année des trois rois" : George V, mort en janvier, Edouard VIII qui a régné huit mois, et enfin George VI, le nouveau souverain.

Une nouvelle vie à Buckingham Palace

Pour les princesses, déménager à Buckingham Palace est une obligation dont elle ses seraient bien passées ! Lorsqu’on le lui a expliqué, Lilibeth, horrifiée, à déclaré : "Quoi ? Vous voulez dire pour toujours ?!"

Les petites princesses sont installées au deuxième étage du palais. Le couloir qui dessert leurs chambres est si large qu’elles le transforment en écuries pour leurs trente chevaux de bois ! Le roi et la reine ont l’intention de s’installer au premier étage, dans les appartements de George V et de la reine Mary, mais en attendant qu’on les transforment, ils habitent au rez-de-chaussée. Les filles s’amusent énormément de l’interminable parcours du combattant qu’elles doivent entreprendre chaque fois qu’elles veulent voir leurs parents ! 

Une fois installées, le plus excitant pour Elizabeth et Margaret sera la perspective du couronnement de leur père, fixé au 12 mai 1937. La date était celle retenue pour le couronnement de leur oncle Edouard VIII. Les préparatifs étant déjà en cours, on n’a rien changé, sinon le monogramme du nouveau roi !

La reine Mary veut assister au sacre de son fils en compagnie de ses deux petites-filles. Elle leur raconte le couronnement de leur grand père, George V, en 1910. Lilibeth décide d’en faire de même. Elle consigne, sur un cahier d’écolier, le récit du sacre de son père. Sur la première page, elle écrit, à l’encre rouge : "Le couronnement, 12 mai 1937, à maman et à papa. En souvenir de leur couronnement, de la part de Lilibeth, par elle-même."

Le grand jour, elles sont levées à 5 heures du matin. Elles portent leurs premières robes longues de dentelles crème, accompagnées de manteaux de velours rouge bordés d’hermine. Leurs couronnes d’or, très simples, ont été dessinées et choisies par leur père. Lilibeth est inquiète car elle craint que la cérémonie ne soit insupportable pour sa petite soeur qui n’a que 7 ans, mais le spectacle est si impressionnant et si fascinant que Margaret n’en perdra pas une miette, tout comme son aînée.

Après le couronnement, un séjour en Ecosse, à Balmoral, est le bienvenu. Elizabeth va devenir journaliste dans une petite revue à laquelle participent quelques amis. Le journal a pour titre "La morsure du dragon". La princesse y raconte ce qu’elle voit depuis les fenêtres de Buckingham Palace. Sa carrière journalistique n’ira pas beaucoup plus loin…

L’année suivante est celle d’un autre chagrin. Le 28 juin sa mère la reine perd sa maman, lady Strathmore. Les petites princesses aimaient beaucoup leur grand-mère. Trois semaines plus tard, les souverains britanniques se rendent en visite officielle à Paris. Ils veulent affirmer que l’Entente Cordiale est toujours aussi forte alors que des menaces de guerre pèsent sur l'Europe. Malgré son deuil, Elizabeth accompagne George VI, dont elle est le soutien permanent. Elle porte simplement un deuil blanc. Sa garde-robe immaculée est réalisée en un temps record par son couturier, Norman Hartnell.

De ce voyage triomphal à Paris, l’épouse de George VI rapporte un cadeau de la République aux princesses : deux très grandes poupées baptisées France et Marianne, dont les atours ont été confectionnés par les plus grands couturiers parisiens. Elles sont aujourd’hui exposées au château de Windsor.

Malgré les accords de Munich les 29 et 30 septembre 1938, le Premier ministre Chamberlain est très inquiet des risques de guerre. George VI et son épouse, après une tournée au Canada, vont alors tenter de renforcer l’alliance avec les Etats-Unis. Ils font un séjour privé chez le président Roosevelt. C’est risqué : le couple qui, à ce moment là, intéresse les Américains c’est le duc et la duchesse de Windsor puisque 

Wallis, leur compatriote, aurait pu être reine… George VI et sa femme, qui sont de parfaits inconnus pour les Américains, retournent cependant l’opinion en leur faveur. Il tissent des liens personnels avec le couple Roosevelt qui seront très utiles dans les terribles années qui vont suivre.

Le retour de leurs parents, le 22 juin 1939, est attendu avec impatience par Lilibeth et Margaret. Ces séparations leurs sont douloureuses mais ne changent rien au bonheur d’être toujours "Us Four", "Nous Quatre"...  

Coup de foudre pour Elizabeth

Un mois plus tard, le roi, la reine et leurs deux filles se rendent en bateau au Royal Naval College de Dartmouth. Ils sont accompagnés de lord Louis Mountbatten, leur cousin, lui-même une personnalité de la Royal Navy. Il est surnommé Dickie. Il a pris sous sa protection son neveu et filleul, le prince Philippe de Grèce. Depuis quelques temps, celui-ci est élève officier dans ce prestigieux Collège. Il est grand et séduisant, même si ses manières sont un peu brusques. Le premier jour, il déjeune avec la famille royale. Le demain, il partage à nouveau le déjeuner mais aussi le thé avec les illustres visiteurs. Lilibeth est assise à côté de lui. L’après-midi, il propose une partie de tennis. Elle ne le quitte pas des yeux. 

Quand le yacht royal reprend le large, plusieurs embarcations l’accompagnent. La dernière à rester dans le sillage du yacht Victoria & Albert est celle de Philip. Il le fait avec une telle témérité que le roi s’écrie: "Juste ciel ! Quelle folie !"

Lilibeth, fixée à ses jumelles, ne peut détacher son regard de ce bateau qui les suit. Elle est tombée amoureuse de Philip. Elle n’a que 13 ans, et pourtant son choix est fait : ce garçon de 18 ans sera son mari. Mais il ne sera pas facile de l’imposer…

 

Ressources bibliographiques : 

Sarah Bradford, Elizabeth II (Penguin Books nouvelle édition 2002)

William Shawcross, Queen Elizabeth the Queen Mother (Pan Books, 2009)

Sarah Bradford, George VI (Penguins Books, 1989)

Jean des Cars, Elizabeth II, la Reine (Perrin, 2018)

 

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"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production, diffusion et édition : Timothée Magot
Réalisation : Matthieu Blaise
Graphisme : Karelle Villais