Yo-yo tarifaire, concurrence, entrée de gamme manquante... Les raisons du ralentissement de Tesla

La gigafactory de Tesla, en Allemagne, a été victime d'un acte de malveillance sur un pylône électrique le mois dernier.
La gigafactory de Tesla, en Allemagne, a été victime d'un acte de malveillance sur un pylône électrique le mois dernier.
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Romain Rouillard / Crédit photo : SEAN GALLUP / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES VIA AFP
Le constructeur américain Tesla, piloté par Elon Musk, a annoncé des chiffres de vente décevants la semaine dernière, auxquels s'ajoutent des volumes de production en baisse. Un retour sur Terre lié, entre autres, à une concurrence accrue, mais également au retard de la marque sur le segment de l'entrée de gamme.

Certains analystes financiers n'y sont pas allés par quatre chemins pour évoquer les résultats décevants de Tesla au premier trimestre 2024. Ceux de la société Wedbush vont même jusqu'à parler d'une "catastrophe absolue qu'il est difficile d'expliquer". Sur les trois premiers mois de l'année, le constructeur automobile américain a d'abord livré moins de véhicules qu'en 2023, faisant ainsi chuter de 5,23% son action à la Bourse de New-York mardi dernier. Tesla a ensuite vu son volume de production se contracter de 8,5% en un an, ce que l'entreprise explique par "les phases initiales de production de la nouvelle version de la Model 3 dans [son] usine de Fremont". 

Le constructeur évoque également des difficultés d'acheminement de certaines pièces, en raison du torpillage de navires par les rebelles Houthis en mer Rouge, mais aussi un acte de sabotage ayant considérablement affecté son site de production en Allemagne, le seul sur le Vieux Continent. Deux paramètres qui ont incontestablement entravé l'activité de Tesla, mais qui ne sauraient expliquer, à eux seuls, le retour sur Terre de la firme pilotée par Elon Musk

Une clientèle qui s'élargit

Mais selon Arnaud Aymé, directeur général France du cabinet SIA Partners, ce ralentissement est avant tout la conséquence de la croissance de Tesla. "Aujourd'hui Tesla vise une grosse clientèle, qui est peut-être plus sensible aux prix, dont le budget est plus impacté par l'inflation et qui, pour acheter une Tesla, a davantage besoin des subventions publiques". Jadis tourné vers une poignée de clients aisés, aux reins suffisamment solides pour acheter un véhicule en argent comptant, le constructeur a considérablement élargi sa cible. Désormais, les clients de Tesla sont, eux aussi, soumis à la flambée des taux d'intérêts et le constructeur se trouve ainsi confronté aux mêmes difficultés que les fabricants plus "traditionnels".

Par ailleurs, Tesla pâtit d'une gamme peu mouvante et dont les nouveautés, souvent annoncées, tardent à se concrétiser. À l'image du fameux pick-up cybertruck, enfin lancé après une interminable attente. En revanche, le constructeur reste absent sur un segment pourtant crucial : celui des citadines d'entrée de gamme. "Si Tesla veut devenir un gros constructeur en termes de volume, il faudra s'attaquer à des voitures bien plus d'entrée de gamme que maintenant", reprend Arnaud Aymé.

Une politique tarifaire peu lisible

D'autant que si le fabricant américain pouvait se targuer d'être à l'avant-garde sur le segment des berlines et SUV 100% électriques, celui des citadines propres est déjà fortement concurrentiel. Grâce, entre autres, au "réveil" des constructeurs occidentaux traditionnels que sont Volkswagen, Renault ou Stellantis. "Tout cela nuit au développement de Tesla", estime l'expert.

L'entreprise dirigée par Elon Musk subit aussi les effets néfastes d'une politique tarifaire peu lisible. Dans un premier temps, Tesla a opéré des baisses significatives de ses tarifs, de l'ordre de 20% alors qu'elles n'excédaient guère 10% du côté de la concurrence. "On peut se dire que lorsque les prix baissent, les ventes augmentent, mais c'est partiellement vrai. Pour un particulier, oui, mais le particulier ne va pas forcément se demander quelle sera la valeur de sa voiture dans X années. Alors qu'une entreprise doit se poser cette question", éclaire Arnaud Aymé.

D'autant que cette baisse des prix a précédé un changement total de cap avec l'annonce, par le constructeur, d'un surcoût de 1.000 dollars pour l'achat de son SUV Model Y. "Ce yo-yo tarifaire déplaît beaucoup aux entreprises. Elles n'aiment pas l'incertitude", ajoute le spécialiste. 

Concurrence chinoise

Enfin, Tesla voit poindre, dans son rétroviseur, une concurrence accrue venue de Chine. Le constructeur BYD lui a même ravi le titre de plus gros vendeur mondial de véhicules électriques au quatrième trimestre 2023, bénéficiant toutefois d'un puissant marché domestique ainsi que de généreuses subventions du gouvernement. Une menace que Tesla ne doit pas déconsidérer, selon Arnaud Aymé, mais à laquelle il ne faut pas non plus attribuer une importance démesurée. "Je n'ai pas souvenir d'études montrant que, si BYD ne fabriquait pas de modèles, les gens auraient forcément acheté Tesla. Par ailleurs, même s'il n'y a pas beaucoup d'historiques de clients Tesla, on n'a pas d'historique de gens qui auraient bifurqué de Tesla vers BYD". 

Le spécialiste tient d'ailleurs à souligner qu'il n'y a pas péril en la demeure pour Tesla. "Même s'ils ont perdu un tiers de leur valeur en bourse, cette dernière s'établit à plus de 500 milliards de dollars. À titre de comparaison, pour Stellantis, on est à 80 milliards. Donc, on assiste à une redescente sur Terre de Tesla, mais pas à un effondrement". De son côté, le constructeur, pour affronter la situation, a annoncé la présentation de son robotaxi, un véhicule autonome, le 8 août prochain. Un projet qui suscite la curiosité, mais dont le succès n'est pas garanti. Le développement du véhicule a, en effet, rencontré plusieurs difficultés, liées notamment aux inquiétudes des autorités sur le plan de la sécurité.