Les locations de voiture s'annoncent plus compliquées que d'habitude cet été. 2:47
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Aurélien Fleurot avec Antoine Terrel , modifié à
Dans plusieurs régions de France, les voitures de location disponibles pour cet été manquent à l'appel ou ont vu leurs prix fortement augmenter. Une situation qui s'explique notamment par une production réduite et fragilisée par la pénurie des semi-conducteurs, mais aussi par une moins bonne visibilité à cause de la pandémie de Covid-19.
DÉCRYPTAGE

A un mois du début des vacances d'été et alors que l'amélioration progressive de la situation sanitaire laisse entrevoir une saison estivale la plus normale possible, l'heure est à la préparation des congés pour beaucoup de Français. Mais alors qu'on peut s'attendre à de fortes fréquentations touristiques dans le pays, les voitures de location, plébiscitées chaque année, risquent de manquer. Car la crise du coronavirus a fortement touché le secteur, avec des loueurs moins bien équipés que d'habitude, entre production réduite et commandes un peu timides. 

Aussi, s'il est encore possible de réserver un véhicule pour cet été, il ne faut pas trop traîner. En Corse, par exemple, chez certains loueurs, pour la 3e semaine de juillet, aucune voiture n'est disponible aux aéroports de Bastia et d'Ajaccio. Et quand il y en a, elle sont bien plus chères que d'habitude. De manière générale, le comparateur Carigami constate une hausse des prix de 35% de moyenne en France pour cet été. Même constat chez Liligo... A Bastia, le prix moyen a bondi de 87% par rapport à 2019.

"Nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde"

Une situation "forcément inconfortable", reconnaissait Christophe Plonevez, le directeur général du loueur ADA, invité de La France bouge, cette semaine sur Europe 1. "C'est à la fois une bonne chose, parce que ça sera un été record, et c'est aussi un peu une déception, car on sait que nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde", explique-t-il. 

"Nous n'avons pas eu la possibilité d'obtenir tous les véhicules que nous aurions souhaité, parce que les usines ont fonctionné au ralenti, et donc on n'a pas pu faire le plein dans nos agences", dit-il encore. 

C'est en ce moment une gestion à flux tendu, comme chez Avis, qui explique recevoir "de nouvelles voitures chaque jour" et "ajuster constamment" sa flotte "pour répondre à cette demande". 

L'impact de la pénurie des semi-conducteurs

Mais ne pourrait-on pas compter sur une augmentation des stocks ? La marge est en réalité très faible. Les stocks sont bas chez les constructeurs confrontés à la pénurie de puces électroniques et qui privilégient leurs clients, car ces ventes assurent de meilleures marges. Par ailleurs, certains grands noms de la location courte durée n'ont pas eu d'autres choix de baisser drastiquement leur parc automobile. Europcar a ainsi réduit sa flotte d'un tiers.

"On sort d'une crise sans précédent qui a amené l'ensemble des loueurs à réduire la voilure de leur parc automobile pour préserver leurs liquidités", confirme à Europe 1 Guillaume Crunelle, associé automobile chez Deloitte France. Et alors que l'été et sa traditionnelle forte demande se profile, "vient se rajouter une problématique d'approvisionnement des véhicules par les constructeurs avec la crise des semi-conducteurs".

Des commandes plus tardives et donc moins de visibilité

"Le problème de cette industrie est qu'elle prend des commandes plusieurs mois à l'avance par rapport à un besoin de véhicules disponibles au moment où les gens voudront en avoir le plus besoin. Or, avec le Covid, les gens prennent de plus en plus leur temps pour se décider, et il y a donc moins de visibilité pour l'industrie", dit encore ce spécialiste. Ce que confirme Jean-Philippe Doyen, le président de SIXT France : "Notre approvisionnement en véhicules neufs est défini par des contrats à l'année que nous commençons à caler dès la fin de l'été précédent. La capacité à bien anticiper la demande est donc un élément stratégique majeur", indique-t-il. Ce dernier se dit confiant pour répondre aux demandes des clients, mais reconnaît que l'incertitude du contexte doit inciter les clients à réserver le plus tôt possible. 

Vers un nouveau modèle

Plus globalement, le secteur des voitures de location est "une industrie qui souffre depuis plusieurs années, qui a son modèle qui est challengé par les transformations de l'écosystème et de la mobilité", explique Guillaume Crunelle. Une situation accentuée par la crise sanitaire puisque le géant américain Hertz s'est placé en procédure de faillite pour s'en sortir et qu'EuropCar a réduit sa flotte d'un tiers. 

C'est le modèle même du loueur classique qui est remis en question, l'année 2020 ayant permis à de jeunes entreprises plus agiles de prendre des risques et de se développer. Des modèles sans agence, comme Virtuo et son système de livraison sans contact qui vient d'annoncer une levée de fonds de 80 millions d'euros, ou encore Carlili, avec la livraison de la voiture à domicile. Son directeur, Vincent Moindrot, observe "qu'on a des grands confrères qui ont réservé peu de voitures parce qu'ils ne savaient pas à quel moment la crise allait se terminer". Et de conclure : "Nous, on était plutôt optimistes parce qu'on est une start-up, et l'an dernier on a fait 50% de croissance dans un marché qui était à -60%."