Tiers payant : ce que change la décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a censuré une partie du tiers payant.
Le Conseil constitutionnel a censuré une partie du tiers payant. © AFP
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Marianne Skorpis , modifié à
Avec la censure du Conseil constitutionnel, le tiers payant s'appliquera seulement aux régimes d'assurance maladie obligatoires.

Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi une partie du tiers payant généralisé, l’une des mesures emblématiques de la loi Santé de Marisol Touraine, adoptée le 17 décembre 2015. Les Sages, saisis par un groupe de plus de 120 parlementaires de l'opposition, ont validé la généralisation du tiers payant pour les organismes d’assurance maladie de base, mais ont retoqué cette généralisation pour les organismes complémentaires. Ils estiment que "le législateur n'a pas suffisamment encadré ce dispositif et a ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence". Europe1.fr fait le point sur ce que change la censure du Conseil constitutionnel.

>> Ce que prévoyait la loi

Certains médecins appliquent déjà le tiers payant, mais la loi Santé prévoit de tous les y obliger. Les 23 euros d’une consultation chez un médecin généraliste, par exemple, comprennent deux parts : celle de l’Assurance maladie, qui s’élève à 15,10 euros et celle de sa complémentaire, qui se chargent des 6,90 euros restants. La loi prévoyait prévoyait que les patients n’avancent plus un centime de cette somme lors de leurs consultations.

>> Ce que change l’avis du Conseil constitutionnel

Avec la censure du Conseil constitutionnel, les médecins ne seront pas obligés de proposer le tiers payant pour la part complémentaire, mais seulement pour les régimes obligatoires. Le dispositif sera mis en place en deux temps. A partir du 1er juillet 2016, il commencera à être appliqué aux 15 millions de patients pris en charge à 100% par l’Assurance maladie : les femmes enceintes, les personnes souffrant d’une maladie dont le caractère professionnel a été reconnu par l’Assurance maladie et les patients atteints d’affections de longue durée, comme le cancer ou la maladie d’Alzheimer. Fin 2016, il sera obligatoire pour tous ces patients.

Le 30 novembre 2017, le tiers payant sera étendu à l’ensemble des patients. Alors que les personnes prises en charge à 100% par l’Assurance maladie seront totalement dispensées d’avance de frais, les autres patients, avec la censure du Conseil constitutionnel, ne devrons alors avancer que les 6,90 euros de la part de la complémentaire quand ils iront chez le médecin. Les seuls autres frais qui pourront être à leur charge seront les dépassements d’honoraires de certains médecins de secteur 2.

>> Ce qui va se passer pour les médecins

Les médecins, majoritairement hostiles au tiers payant généralisé, se disent satisfaits de la décision du Conseil constitutionnel. Selon Claude Leicher, le président du principal syndicat de généralistes, MG France, c’est surtout le tiers payant pour la part complémentaire qui posait problème, à cause de la multiplicité des organismes d’assurance maladie complémentaires : il existe 600 mutuelles, institutions de prévoyance et assurances. "Les médecins pratiquent déjà très largement le tiers payant pour la partie sécurité sociale", a-t-il souligné vendredi dans Europe Midi. "Lorsque vous avez un seul interlocuteur et que cet interlocuteur vous paye effectivement - ce n’est encore pas tout à fait le cas - les médecins ne sont pas réticents à faire le tiers payant."

Pour les médecins, le tiers payant pour la partie complémentaire est un surcroît de travail et un casse-tête administratif. Claude Leicher insiste : "ce n’est pas le principe du tiers payant qui pose problème, c’est de devenir dépendant de 600 contacts qui sont les mutuelles complémentaires, qui ne sont pas organisées entre elles, qui ne sont pas organisées avec les régimes obligatoires… Et qui nous demandent de vérifier la carte de mutuelle, de taper à la main le numéro de mutuelle, de vérifier éventuellement sur un serveur que c’est la bonne mutuelle, et ensuite d’envoyer non pas une, mais deux factures !".

Un rapport avait été initialement commandé pour le 30 octobre 2015 sur la mise en place d’un guichet unique pour rembourser les médecins. Il devrait finalement être remis au plus tard un mois après la promulgation de la loi Santé. Son objectif : trouver une solution technique "permettant d’adresser aux professionnels de santé ayant fait ce choix un flux unique de paiement". Selon Les Echos, un accord entre l'Assurance maladie et les organismes complémentaires a été trouvé dans ce rapport, qui serait presque terminé. Chacun traitera ses dossiers dans deux "systèmes d'information" différents, "reliés à un concentrateur de flux". Les médecins seront donc remboursés au sein d'un seul guichet, ce qui leur évite un trop grand nombre de démarches, expliquait vendredi le site du quotidien économique.

Autre inquiétude des médecins : les délais de remboursement des frais que les patients d’avanceront plus. En mars 2015, la ministre de la Santé s’était voulue rassurante à ce sujet. "La loi prévoira une garantie de paiement aux professionnels, dans un délai maximum de sept jours pour les feuilles de soins électroniques", avait annoncé la ministre, qui prévoyait des pénalités versées aux médecins en cas de retard.