Protection sociale : les plus de 60 ans devront faire un effort

© BARBARA SAX / AFP
  • Copié
France Stratégie publie mardi une étude qui tente de répondre à la question suivante : "Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ?".

Le cycle est immuable : chaque génération tente de se faire une place et s’oppose à un moment ou un autre à la précédente. Mais le poids de la génération du baby-boom en France donne à ce conflit une dimension nouvelle, d’autant que les enfants des Trentes Glorieuses sont actuellement aux manettes. France Stratégie, organisme placé sous la tutelle de Matignon, a donc décidé de réaliser une étude pour tenter de répondre à la question suivante : "Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ?" Non, répond cette étude parue mardi, qui montre néanmoins que cela pourrait rapidement le devenir si le système français ne se réforme pas. Et cette fois, ce sont les plus âgés qui devraient en payer le prix.

Oui, un senior "coûte" plus cher qu’une jeune, et c’est normal. Pour mieux cerner les différences de traitement entre les moins de 25 ans et les plus de 60 ans, l’étude se penche d’abord sur les dépenses en fonction des branches du système de protection sociale. La branche maternité/famille bénéficiant avant tout aux plus jeunes, elle représente donc la part du PIB consacré à la jeunesse, tandis que la branche vieillesse est logiquement celle qui s’occupe des seniors. Bilan : "en s’en tenant à la ventilation des dépenses par grands risques, il semble donc clair que la protection sociale a beaucoup concentré ses efforts sur les plus âgés", écrivent les auteurs de cette étude.

Pour vérifier ce constat, les auteurs ont ensuite étudié les dépenses de protection sociale en fonction des tranches d’âge. Cette fois-ci, l’étude montre que les dépenses consacrées aux plus jeunes sont restées stables entre 1979 et 2011 si on prend en compte les dépenses d’éducation. En revanche, on observe à nouveau que les dépenses consacrées aux seniors ne cessent d’augmenter.

Conclusion, un senior bénéficie davantage du système de protection sociale qu’un jeune, ce qui est tout à fait normal aux yeux des auteurs de l’étude : "les dépenses destinées aux uns et aux autres répondent à des besoins qui, fondamentalement, ne sont pas de même nature". Si le système est plus généreux avec les seniors, est-ce au prix d’une baisse des dépenses en faveur des plus jeunes ? Non répond l’étude, qui montre que les dépenses pro-jeunes et celles pro-seniors ont évolué dans des proportions similaires au cours des trente dernières années.

Mais un jeune d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui des 30 Glorieuses. Si le système n’est pas moins généreux avec les jeunes qu’auparavant, le profil de ces derniers a en revanche beaucoup évolué, tout comme celui des seniors. Car si être jeune pendant les 30 Glorieuses signifiait plein emploi, carrière stable et salaire en constante augmentation, ce n’est plus du tout le cas : "le développement des ‘formes particulières d’emploi’, intérim et CDD notamment, touche en fait principalement les jeunes : en 2013, près de 90 % des salariés âgés de 25 à 49 ans étaient en contrat à durée indéterminée, alors que ce n’était le cas que de 46 % des salariés âgés de 15 à 24 ans (source enquête Emploi). La flexibilisation du marché du travail a donc été principalement réalisée en faisant jouer aux jeunes le rôle de variable d’ajustement".

Résultat, "la pauvreté monétaire, jadis un phénomène typique des âges élevés, touche désormais deux fois et demie plus souvent les moins de 25 ans que les plus de 60 ans", souligne l’étude. Ce que confirment les chiffres de la pauvreté en France : 

A l’inverse, la situation des seniors n’a cessé de s’améliorer, comme le montre l’étude du niveau de vie moyen : alors qu’en 1970 un senior disposait d’un niveau de vie égal à 70% du niveau de vie moyen, cette proportion est passée à 105%. Dit autrement, un senior vit mieux que la moyenne.

Vers un effort accru pour les seniors ? Baby-boom et vieillissement de la population obligent, les dépenses de protection sociale ne cessent de grimper et creusent ses déficits. Pour rééquilibrer le système et assurer son avenir, il va donc falloir trouver de nouveaux financements ou réduire les prestations. Reste à savoir qui va en payer le prix.

Au regard de l’évolution très contrastée du niveau de vie des plus jeunes et des plus âgés, il semble difficile de demander un effort supplémentaire aux nouvelles générations. D’autant que ces dernières ne bénéficieront probablement pas de la même protection sociale, vu le contenu des réformes qui se succèdent. Pour les auteurs de l’étude, ce sont donc aux plus âgés de faire un nouvel effort : "il sera difficile de mettre davantage à contribution les jeunes et les individus d'âge actif. Une baisse des transferts nets reçus par les plus âgés, déjà engagée de fait par les réformes des retraites, sera donc nécessaire".