Pourquoi les salariés de SFR (en grève) voient rouge

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Des clients dans une boutique SFR. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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ZOOM - L’opérateur téléphonique est en train de revoir son modèle alors que les mauvaises nouvelles s’accumulent.

Si vous êtes clients de SFR, vous avez peut-être du mal à joindre votre opérateur depuis jeudi matin. Une partie des salariés sont en grève jeudi à l’appel de la CGT pour dénoncer la réorganisation en cours de leur entreprise. SFR a en effet prévu de supprimer près d’un tiers de ses effectifs au cours des trois prochaines années, une réduction de postes d’autant plus mal vécue par les salariés que, dans le même temps, les nuages s’accumulent sur l’entreprise.

Une grève contre une "stratégie qui s’apparente à un démantèlement". Après une première journée d’action le 6 septembre dernier, la CGT a appelé les salariés de SFR à faire grève ou à procéder à des débrayages jeudi. Le message des grévistes reste le même : contester "les suppressions d'emplois, les fermetures de boutiques et autres externalisations", une "stratégie qui s’apparente à un démantèlement du 2ème opérateur du marché français", dixit la CGT.

Le groupe SFR préfère, lui, parler de réorganisation nécessaire pour repartir à l’assaut du marché des télécoms. Mais la manière choisie pour y arriver a de quoi interpeller les salariés. La direction a en effet prévu de supprimer d'ici à mi-2019 de 4.000 à 5.000 postes, soit un tiers des effectifs, via des départs volontaires. Elle a également prévu la fermeture d’une centaine de boutiques et le transfert de 1.500 salariés en charge des relations clients vers une nouvelle filiale, issue du rachat du groupe marocain Intelcia. Avec, à la clef, des déménagements ou des temps de trajet rallongés et, surtout, la menace de changer de statut et donc de garanties collectives.

De quoi perturber les salariés, d’autant plus qu’une nouvelle piste est actuellement en cours de discussion : déménager le siège du groupe de Saint-Denis vers le XVe arrondissement de Paris, alors même que SFR y a pris ses quartiers depuis 2013 seulement et que le site a été conçu sur mesure pour ses besoins. Pensant y travailler pendant des années, de nombreux salariés ont acheté un logement dans les environs et redoutent de devoir revoir leurs plans.

Une réorganisation en plein passage à vide. Périlleuse, cette mue décidée par Patrick Drahi, le patron d’Altice et principal actionnaire de SFR, est d’autant plus compliquée à gérer qu’elle intervient dans un contexte difficile pour SFR. Il y a d’abord le fond du problème : l’opérateur voit chaque mois des clients partir pour la concurrence, que ce soit sur le marché de l’internet fixe ou de la téléphonie mobile. Mi-2014, SFR comptait 25,79 millions de clients en cumulant le fixe et le mobile. Deux ans plus tard, leur nombre est tombé à 22,87 millions, soit une chute de plus de 11%.

Pour ne rien arranger, SFR, qui n’a pas fini sa fusion avec Numericable, est en cours de rapprochement avec le groupe NextRadioTV, dont il a acquis 49% du capital. Cette réorganisation au long cours laisse des traces, et pas seulement parmi les employés : les clients se plaignent de plus en plus du service. En 2015, SFR est arrivé premier de l’Observatoire des plaintes 2015, concentrant 36% des plaintes pour l’internet fixe alors qu’il ne représente que 23,2% du marché. Même constant dans le secteur du mobile, où l’opérateur a accumulé 39% des plaintes alors qu’il ne pèse que 22% du marché.

Des mauvaises nouvelles en cascade. Pour ne rien arranger, l’entreprise accumule les mauvaises nouvelles, de quoi miner un peu plus le moral des troupes. Le 4 octobre, l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’a pas validé le projet qui doit permettre à la maison-mère, Altice, de racheter les actions SFR qu’elle ne détient pas encore.  Quelques jours plus tôt, l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) déclarait avoir sanctionné SFR d’une amende de 380.000 euros pour ne pas avoir respecté sa promesse de proposer une couverture 2G sur tout le territoire français. De manière plus anecdotique, SFR s’est également illustré en intervertissant les factures de plusieurs de ses clients mi-septembre. Des factures qui ont, au passage, augmenté à deux reprises au cours des six premiers mois de l’année.

Où veut aller SFR ? Si les salariés dénoncent une navigation à vue, la direction affirme en revanche avoir un cap. Son premier chantier est la baisse des coûts, qui est devenue la spécialité de Patrick Drahi. A l’exception d’Orange et de son positionnement premium, Bouygues Telecom et Free Telecom ont fait le choix du low cost avec le moins d’employés possibles et une automatisation des tâches très poussée (inscription et relation clients en ligne, borne automatique pour changer de carte SIM, etc.). SFR Numericable veut donc aligner ses coûts sur ceux de ses challengers, condition sine qua none pour pouvoir proposer des prix cassés et trouver de nouveaux clients.

Dans le même temps, SFR a lancé le grand chantier de la synergie entre les télécoms et les contenus : en clair détenir à la fois les moyens de communication (forfait fixe et mobile) et les contenus auxquels on peut accéder avec. C’est pourquoi SFR s’est rapproché du groupe NextRadioTV (RMC, BFM, etc.) et a mis la main sur Libération et le groupe L’Express (L’Express, L’Expansion, L’Etudiant). Sans oublier l’acquisition des droits du championnat anglais de football qui ont permis de lancer plusieurs chaînes de sport. Autant de contenus censés convaincre les consommateurs de choisir SFR pour leurs télécommunications